Recadrer la gestion de projets pour accroître le taux de succès

Depuis plus de vingt ans, le taux de succès des projets oscille entre un minime 30 et 40 %. En général, ce ne sont pas principalement des raisons techniques qui expliquent tant d’échecs, mais plutôt les facteurs humains qui ne sont pas adéquatement pris en compte.

Pour ce faire, il est nécessaire de recadrer la gestion de projet.

Pourquoi recadrer un projet ?

Un projet, quelle que soit sa taille, peut se retrouver en difficulté à tout moment.

Les principales raisons de l'échec des projets sont dues à une mauvaise définition des objectifs et des priorités, à une mauvaise communication, à un manque d'engagement ou à des demandes de changement qui ne sont pas contrôlés.

De ce fait, il est important de, non seulement, bien cadrer un projet dès son démarrage, mais aussi de continuer à recadrer la gestion de projet à la moindre dérive du périmètre du projet. Et ce, grâce à l'engagement des parties prenantes dans la construction d'une vision commune conforme aux enjeux du projet.

Ce recadrage passe également par la mise en place un processus structuré pour gérer les demandes de modifications pour éviter qu'elles ne perturbent la gestion de projet.

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Guide du chef de projet efficace Mobile

Les 7 erreurs courantes dans le cadrage d'un projet

Découvrez dans cette vidéo les 7 erreurs que tout chef de projet doit éviter dans le cadrage de projet :

Pourquoi les projets échouent-ils ?

D'après une enquête KPMG, 70 % des entreprises ont eu un échec dans l’un de leurs projets. Selon le rapport Wellingtone, 60 % des projets accusent de retard.

De plus, si comme le suggèrent plusieurs, on ajoutait aux critères de succès la qualité, à savoir la satisfaction des parties prenantes, je vous laisse imaginer quel serait alors le taux d’insuccès.

Comment expliquer que ce désolant phénomène perdure depuis des décennies ?

Pourtant, il a été étudié sur tous les angles. Toutes sortes d’outils, de méthodologies, de guides, de formations ont été développées.

1) Le manque d'implication et d'engagement

En réalité, ce ne sont pas principalement des raisons techniques qui expliquent les échecs, mais des facteurs humains.

Un premier indice de cela est que la taille du projet impacte de manière exponentielle le taux de succès.

Par exemple, pour les projets de moins de 1 M$, le taux de succès monte jusqu’à 62 %, alors que pour ceux de plus de 10 M$, il est d’à peine 2 %.

On a tout lieu de croire que dans les projets plus petits, moins de gens sont impliqués et qu’en conséquence la dimension humaine est plus facile à gérer.

2) Des arrangements informels non documentés

En fait, il faut envisager tout projet comme un système complexe dont l’une des principales caractéristiques est de s’auto-organiser.

Cela veut dire qu’il ne fonctionne pas par ses parties considérées individuellement, mais parce que celles-ci sont en continuelle relation pour former un tout cohérent.

Au-delà des parties prenantes, des employés, des processus, des procédés, un projet est un tissu d’interactions véhiculant une multitude d’enjeux.

Les gens qui y œuvrent interagissent au quotidien et en continu les uns avec les autres, influençant tout ce qui s’y passe, surtout les résultats.

Concrètement, ces interactions sont d’abord formelles, se faisant lors d’activités structurées, comité de direction, comité de projet, comité de pilotage, équipe de projets, comité utilisateur, etc. où les participants y jouent leur rôle officiel.

Mais elles sont tout autant, sinon plus, informelles, se produisant dans les corridors ou devant la machine à café. Elles visent alors tant les enjeux du projet lui-même que ceux personnels à chaque participant.

En effet, certaines fois, ces échanges peuvent être relatifs à des événements programmés, comme de définir une position commune en vue d’une prochaine réunion. Mais plus souvent, elles touchent les relations informelles, les cliques sociales, les rumeurs, les réseaux naturels, les influences politiques reliés au projet, etc.

Aucun de ces arrangements informels n’est représenté dans les chartes de projet, plans de projet, tableaux de bord, organigrammes, ni rapporté dans les documents officiels, ni considéré dans les réunions formelles. 

Pourtant, ils contribuent tout autant, peut-être même plus que les dispositifs formels, à déterminer ce qui se produit dans le projet et surtout, quels en seront les résultats.

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Le recadrage de projet, c'est apprendre à gérer sa complexité

Cette complexité nécessite que tous ceux qui ont à gérer un projet, inscrivent leurs réflexions et leurs actions dans le tissu d’interactions qui véhiculent les stratégies des différents acteurs.

Ils doivent composer avec les jeux de pouvoir et les enjeux, tant collectifs qu’individuels.

Ce faisant, la question fondamentale à laquelle ils sont confrontés est :

Comment prendre avantage de ces interactions dans la gestion de projet ?

Le seul moyen d’y arriver est d’avoir recours à la pensée complexe. Celle-ci rend d’abord conscient que l’inattendu arrive aussi souvent que l’anticipé et amène à voir les choses et les gens sous leurs différentes facettes.

Également, elle lie et rattache les connaissances, par opposition au mode traditionnel de pensée simple qui les découpe en disciplines et les compartimente. De plus, elle décrit toujours les objets et problématiques dans leur contexte et la globalité dont ils font partie.

Ainsi, un projet à diriger ou à évaluer l’est toujours en prenant en compte le contexte où il a été conçu, celui de sa réalisation et sa place dans l’organisation. La pluralité des lectures qu’en font les parties prenantes est aussi une information centrale.

Il importe de savoir comment se construit le sens autour de ce projet. Encore plus important, les résultats sont considérés comme une émergence issue de l’interaction entre les acteurs.

En résumé, dans la pensée complexe, il existe une dépendance mutuelle entre problématique, parties prenantes et projet qu’il faut décrire et arriver à synthétiser.

L’engagement des parties prenantes, est la clé de réussite

Concrètement, si on retourne à l’exemple d’Agile tour, on parle d’équipe organique de projet, à savoir que les membres choisissent leur groupe et les dossiers dans lesquels ils veulent s’impliquer.

Le registre des tâches à réaliser appartient et est maintenu par tous. Chacun choisit ses tâches en fonction de ses disponibilités et de ce qu’il a envie de faire.

Tout de suite, on s’empresse de souligner que même les tâches moches trouvent preneur. En fait, les équipes sont auto-gérées et surtout, responsables. Tout est fondé sur l’initiative et le leadership de chacun.

Chose intéressante, on minimise le nombre de réunions en privilégiant la communication en continu. Cela ressemble drôlement à profiter des interactions entre les membres de l’équipe.

Si vous demandez aux dirigeants s’ils utilisent l’approche Scrum ou Kanban au plan de l’agilité, ils répondent : « who cares? » C’est plus dans la culture et l’état d’esprit que dans les outils et les processus que cela se passe.

Ils ajoutent qu’ils sont lean par définition, car aucun bénévole n’a le goût et le temps de faire du travail qui n’est pas à valeur ajoutée.

Leur recette de succès selon eux : un objectif commun et rassembleur, une culture ouverte et transparente, l’engagement et la passion des membres de l’équipe, en parant toujours de ce qui existe pour l’améliorer, s’adapter en cours de route et se rappeler les principes fondamentaux de façon régulière.

On insiste aussi sur l’importance du leadership, en ajoutant aussitôt que chaque membre est un leader à ses heures et à sa façon.

Bien sûr, on parle ici de projets de petite taille qui affichent un meilleur taux de réussite. La question devient donc de savoir comment répercuter la façon de gérer les projets d’Agile tour à ceux de moyenne et grande taille ?

Cela passe indéniablement par l’engagement des parties prenantes.

D’entrée de jeux, pour bien faire comprendre de quoi il est question ici, il faut reprendre la métaphore humoristique d’Hervé Sérieyx. 

« Dans un petit-déjeuner œufs-bacon, la poule est impliquée, mais le cochon, lui, est engagé  ! L’engagement ne permet pas le retour en arrière. »

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Quel processus pour recadrer la gestion de projet ?

L’engagement va beaucoup plus loin que la participation ou l’implication des parties prenantes.

Il faut que le projet devienne le leur, qu’il suscite leur passion et l’envie de s’investir personnellement, de même que de se dépasser à tous les instants pour qu’il réussisse.

Pour y arriver, il importe de recadrer la gestion de projets, comme montré dans le graphique ci-dessous.

recadrer la gestion de projet

1) Développer la force motrice

Avant de s’attarder aux moyens, il convient de réaliser une phase visant à développer la force motrice nécessaire pour que le projet réussisse.

En chimie, on la définit comme la différence d’énergie entre les produits de la réaction et les réactifs. Je transposerais sommairement à la gestion de projets en disant qu’il s’agit de la vigueur, l’enthousiasme, nécessaire pour faire que les ressources déployées produisent les résultats escomptés.

Cette force, c’est l’engagement des parties prenantes. Un regroupement de personnes croyant fermement qu’ensemble, elles ont la capacité d’agir pour que le projet réussisse. Des acteurs qui ont des compétences, des connaissances et des habiletés à partager, les rendant sûrs de posséder l’expertise pour trouver des réponses.

Cette force motrice sous-tend le mouvement, le déplacement, qui doit avoir une cause, une raison, une justification, c’est le mobile.

C’est lui qui doit de prime abord interpeler les parties prenantes. C’est sur cette base que ces dernières doivent co-construire le projet, seule façon d’assurer leur engagement.

2) Co-construire le projet

Avant d’entreprendre quelque que projet que ce soit, il faut retourner au mobile, les motifs fondamentaux qui le justifie.

Pour qu’il y ait engagement, il ne suffit pas, comme c’est presque toujours le cas, que quelques personnes, commanditaires, clients ou cadres, en fassent l’analyse pour, par la suite, communiquer et vendre leur vision du projet aux autres parties prenantes.

Naturellement, les humains sont toujours prêts à s’engager, à condition d’avoir une cause qui leur tienne personnellement à cœur. Par conséquent, ils doivent pouvoir apporter une réponse semblable à certaines questions de base comme : Pourquoi sommes-nous ensemble ? Où allons-nous ? Pourquoi et comment y allons-nous ?

Le seul moyen d’y arriver est de co-construire le projet, de donner la parole à toutes les parties prenantes.

La meilleure définition du projet n’est alors pas celle qui repose sur l’observation ou la description la plus exacte possible du mobile réel, les faits, comme disent souvent les spécialistes.

Elle est plutôt celle qui prend racine dans la mise en commun de la pluralité des réalités que les différents acteurs perçoivent de ce réel.

La co-construction est un processus qui repose sur le dialogue pour partager les points de vue. Mais, plus encore, c’est un mécanisme d’apprentissage, puisque chacun peut connaître la logique d’action des autres.

C’est une méthode permettant d’arriver à un accord entre des parties prenantes ayant des fonctions et des intérêts distincts, souvent même opposés par rapport à un projet.

Cette entente prend forme dans une représentation, une vision du projet qui est compatible avec la position de chaque acteur ou, au moins, pas irréconciliable avec ses enjeux et ses intérêts propres.

On comprend alors qu’au terme de ce processus, chaque partie prenante ait vraiment envie de s’engager dans la réalisation du projet, de faire tout ce qu’il faut pour qu’il réussisse.

3) Donner un certain choix aux parties prenantes

Plus concrètement, chaque partie prenante doit avoir la chance de dire et de voir respecter son point de vue quant au mobile et sa vision de ce que devrait être le projet. Différentes logiques étant toujours présentes dans les systèmes complexes, il est assuré de constater des positions distinctes.

La façon habituelle de traiter ces différences est d’examiner chacune séparément en la comparant à celle que l’on veut promouvoir, afin de déterminer si elle ne pourrait pas être éliminée. Cela peut se faire de façon directe, en niant sa validité ou indirectement, en l’assimilant à celle promue.

La co-construction va exactement dans le sens contraire. Elle vise à bien distinguer les points de vue les uns des autres et à clairement reconnaître et tenir compte des différences.

Il s’agit alors de trouver une façon de construire le projet sur une vision qui permet d’articuler, de faire une conjonction de ces positions distinctes. C’est tout à fait possible en ayant recours à une logique de niveau supérieur qui les intègre, sans réduire leurs spécificités.

Attention cependant, l’objectif n’est pas ici de mélanger le blanc et le noir pour en faire du gris, mais de les faire coexister, afin de tirer parti du blanc ou du noir en fonction de la situation.

Dans le cas d’Agile tour, la co-construction est vraiment facilitée par le fait que les gens sont bénévoles.

C’est donc par choix qu’ils rejoignent l’équipe de projet. De plus, ce choix ce fait tous les jours puisqu’ils peuvent quitter s’ils constatent que leurs enjeux ne sont plus pris en compte.

Ce choix existe aussi pour le groupe dans lequel ils travaillent, les dossiers pris en charge et, même les tâches à réaliser.

Tout cela fait que si l’organisation veut bénéficier des services et compétences de chaque bénévole, elle doit identifier ses enjeux et constamment lui montrer qu’ils sont pris en compte dans la vision du projet ou, sinon, l’ajuster en conséquence.

Revenir au mobile et s’en servir pour que les parties prenantes construisent ensemble une vision du projet qui respecte leurs enjeux respectifs, c’est un peu comme leur donner le choix d’y participer.

Yves-Chantal Gagnon

A propos de l'auteur

Yves-Chantal Gagnon
Expert-conseil en gestion du changement et management des technologies (MIS). Après une carrière de cadre dirigeant dans différentes entreprises et Consultant Senior au sein d’un cabinet international d’audit et de conseil, il est actuellement Professeur d’université. Cela l’amène à donner des conférences, faire de la formation et agir comme consultant à l’international.

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