Comme tous les managers d’équipe, les chefs de projets peuvent rencontrer des difficultés avec certains équipiers. De simples problèmes ponctuels à des cas plus difficiles.
Car oui, les personnes toxiques au travail ne sont pas une exception : Elles peuvent saboter un projet, même sans en avoir conscience.
Que faire devant ces situations ? Quelles sont les options pour le chef de projet ?
Équipe projet : un assemblage non choisi
La particularité d’un projet, c’est que les équipiers ne sont pas choisis !
À l’inverse de nombreux managers, au moins du secteur privé, qui ont une certaine latitude pour composer leur équipe.
Un chef de projet, lui, doit se débrouiller avec une équipe composée d’équipiers choisis par les managers métier, pas par le chef de projet.
En outre, il rassemble, par nature projet, des profils variés, que ce soit sur le plan technique, humain ou culturel.
C’est une réalité qui fait partie du métier.
« After 8, no Collaborate » dit le dicton !
En management de projet Agile, le dicton ci-dessus résume bien la situation.
Au-delà de 8/10 équipiers, conduire une équipe pose des problèmes, atteint certaines limites. C’est un autre sujet de réflexion.
Aussi, nous resterons dans le cas idéal d’une équipe standard de 8 équipiers environ. Mais avec une personnalité toxique en son sein.
Statistiquement, sur une équipe de 8 à 10 personnes, le chef de projet rencontrera souvent :
- 3 ou 4 équipiers très pointus et/ou constructifs, les piliers de l'équipe
- 3 ou 4 équipiers moins experts et moins motivés, qui forment le corps de l'équipe
- 1 ou 2 équipiers peu présents ou complexes, qui demanderont beaucoup de temps et d'attention
D’où l’importance d’une constitution rigoureuse de l’équipe projet, en amont, pour limiter ces déséquilibres dès le départ.
Parfois, bien que rare, le chef de projet peut être confronté à un profil toxique.
Qu’est-ce qu’un profil toxique ?
Sans entrer dans des analyses psychologiques approfondies, on peut définir un profil toxique comme une personne qui compromet le bon fonctionnement et la cohésion de l'équipe par un comportement inadapté.
Il est important de distinguer :
- Un profil toxique : Il s’agit d’une personne ayant un trouble de la personnalité (exemple : pervers narcissique, paranoïaque, histrionique, etc.) dont le comportement est durablement nuisible pour son entourage
- Un comportement toxique ponctuel : Une personne très fatiguée ou sous pression peut adopter temporairement un comportement nuisible sans que cela reflète sa personnalité profonde
D’un point de vue du chef de projet, ce qui compte, c’est l’impact sur l'équipe, peu importe si le comportement est ponctuel ou permanent.
D’autant que le métier du chef de projet n’est pas d’être soignant. Il n’est pas formé pour cela même si nous reviendrons sur ce point plus avant dans l’article.
5 exemples de comportements toxiques en équipe projet
Parmi mon vécu de comportements toxiques rencontrés en management de projet, voici un florilège de 5 cas qui m’ont marqué :
1) La critique
- Comportement : une équipière, très brillante, reprenait systématiquement les erreurs des autres équipiers. Avec parfois des formulations très raides, pas faciles à accepter par les autres.
- Réaction : tous les équipiers se vexent, certains refusent de continuer le projet dans ces conditions.
- Solution : demande à la personne pour mettre « de l’eau dans son vin », mais en retour : « ils n'ont qu’à être meilleurs »…
- Finalement : sortie de l’équipe et remplacée par une équipière moins brillante, mais plus facile à vivre.
2) Le revendicatif
- Comportement : un équipier qui confond projet et réunion syndicale. Très revendicatif, sur tout et en particulier sur ce qui ne concerne pas le projet. Agressif et très négatif. Rapport à l’autorité complexe, y compris l’autorité fonctionnelle d’un chef de projet.
- Réaction : c’est usant pour les équipiers qui, s’ils ne sont pas contre sur le fond, veulent juste faire leur travail dans de bonnes conditions au sein du projet. Il y a un temps pour tout : la revendication et le projet.
- Solution : tentative de médiation, de recentrer le débat, mais sans succès.
- Finalement : sorti de l’équipe suite à une augmentation de son temps de représentation syndicale. N’a pas été remplacé.
3) La Calimero
- Comportement : une équipière qui se plaint tout le temps de ses malheurs. Avec l’air « Faites pas attention à moi » mais qui arrive avec une minerve pour faire croire qu’elle a été agressée (ce qui était faux), tombe dans les pommes quand on ne s'occupe pas d’elle (récurrent).
- Réaction : équipe perturbée, car il est très difficile de faire la part des choses entre la réalité de ses problèmes et leurs exagérations, sans passer pour un bourreau. Avec un temps d’empathie, agacement de l’équipe. Mais qui ne dit rien.
- Solution : aucune, sort du champ du chef de projet. Faire preuve d’empathie et de patience est la seule solution.
- Finalement : a été de plus en plus isolée au sein de l’équipe, mais a fini le projet.
4) Le conspirateur
- Comportement : Ce collègue toxique cherche des alliances pour critiquer les autres. Dégoise à la pause-café sur les autres équipiers. Très Cancan et mauvaise langue. Lance des rumeurs non fondées juste pour le plaisir.
- Réaction : clivage de l’équipe en clans, les pour et les anti. Cela crée des tensions. Retour des managers qui ont entendu des rumeurs et reviennent vers le chef de projet.
- Solution : aucune, sort du champ du chef de projet. Par contre, renforcer sa communication en dehors du projet, formaliser par écrit des informations.
- Finalement : a quitté le projet pour un autre après quelques mois.
5) Le pervers narcissique (PN)
- Comportement : extrêmement rare, le PN existe, mais se trouve très peu dans les projets, comme équipier en tout cas. Pas assez valorisant. Si oui, passera pour une personne brillante, inspirante, parfaite. Le coup de foudre professionnel. Mais qui change de visage dès que son égo est entaillé. Ne se trompe jamais. Ne peut pas être remis en cause. Habile dans le verbe.
- Réaction : toute l’équipe est subjuguée ! Sauf un en général. Néanmoins, l’aspect brillant s’étiole à l’usage. Vrai contre-pouvoir du chef de projet.
- Solution : Un PN ne reste jamais longtemps au même endroit. Il faut juste attendre qu’il parte vers des cieux plus brillants.
- Finalement, il est parti vers un poste plus digne de ses compétences.
Signes avant-coureurs
Détecter les profils toxiques au travail est très complexe.
Le ressenti des équipiers est une bonne première solution, mais inopérante dans le cas d’un pervers-narcissique (heureusement rarissime comme indiqué, vous en croiserez 1 ou 2 dans votre carrière).
Le « Toujours » ou « Jamais » est un bon signe avant-coureur.
Quand une personne a « toujours » la même réaction, ou « jamais », quelque que soit le contexte, si elle est incapable de modifier un peu son comportement même après un échange avec vous, c’est qu’elle ne peut pas.
Elle a donc un comportement toxique, inadapté.
Qui fait souffrir son entourage, mais le plus souvent, aussi grandement la personne elle-même (à l’exception notable du PN) !
Comment gérer un comportement toxique ?
Un comportement toxique se gère en projet comme dans la vie quotidienne.
Il y a peu de solutions miracles :
D’abord, essayer le dialogue avec l’équipier
- Expliquer à la personne l’impact de son comportement
- Proposer un accompagnement, tendre des perches
- Voir si le problème est temporaire et peut se résoudre :
- Si la personne est en tension, fatiguée, stressée, une écoute empathique peut faire beaucoup pour changer son comportement
- À noter toutefois que le chef de projet n’étant pas le plus souvent le manager de son équipier, sa marge de manœuvre est extrêmement faible
- À l’inverse, si la personne est authentiquement toxique, le chef de projet peu expérimenté peut se trouver rapidement pris dans un jeu psychologique comme le triangle de Karpman expliqué ci-après
Une bonne posture managériale aide à mieux gérer ces situations.
Le triangle de Karpman
Le triangle de Karpman a été formalisé par Stephen Karpman en 1968.
Il distingue 3 rôles (Victime – Sauveur - Persécuteur) qui peuvent tourner d’une personne à l’autre.
Exemple :
- Un équipier projet A/victime se plaint du comportement d’un autre équipier B/persécuteur
- Le chef de projet C/Sauveur va voir l’équipier B/persécuteur…
- … qui se met à pleurer devant les reproches du chef de projet !
- B/persécuteur devient B/Victime et Chef de projet/C devient persécuteur…
- Etc.
Par principe, tous les jeux psychologiques sont à éviter dans une équipe.
Il est parfois très difficile de les détecter et d’identifier le vrai toxique.

Si le comportement toxique persiste, agir rapidement
- Un chef de projet doit protéger la dynamique d'équipe.
- Quand la situation devient insoutenable, il faut envisager de retirer la personne du projet.
Cela peut aller à l’encontre de la règle habituelle qui dit qu’on ne se sépare pas d’un équipier projet interne.
Mais parfois, c’est la seule solution pour permettre à l'équipe de fonctionner correctement : se séparer de son équipier.
Le risque étant de faire porter le chapeau au mauvais équipier.
- Si la paix revient dans l’équipe, vous vous séparez de l’équipier toxique. La plupart des équipes veulent juste travailler en paix.
- Si la difficulté persiste, c’est que vous vous êtes trompé ou qu’il y a une autre source de tension au sein de l’équipe. Manque d’organisation, mauvais management, manque de décision… mais à priori, vous avez fait cette analyse avant de passer à la solution extrême de vous séparer d’un équipier.
Conclusion
Un comportement toxique non géré ne fera pas fuir la personne concernée… mais risque de faire fuir tous les autres !
En tant que chef de projet, le choix est clair : agir rapidement pour préserver l'équipe et assurer la réussite du projet.
Si rien n’est fait, c’est toute l’équipe qui finit par subir un travail toxique, avec des effets durables sur la motivation et la santé.
Bien entendu, un chef de projet ne peut que gagner à se former au coaching, ou à la santé mentale pour être plus à même de savoir faire face à ces personnalités complexes.