Une squad agile n’est pas un simple groupe dans lequel chacun travaille l’un à côté de l’autre.
Dans une organisation agile, c’est une petite équipe, pluridisciplinaire, autonome et responsable de bout en bout d’un produit, d’une feature ou d’un service.
Dans cet article, nous aborderons les problématiques vécues par les squads agiles puis nous parlerons des bonnes pratiques à mettre en place pour faire d’une squad agile une équipe efficace et performante.
Problèmes rencontrés par les squads agiles ?
Qu’il s’agisse de la transformation d’une équipe « traditionnelle » ou du quotidien d’une équipe agile, les obstacles à son épanouissement sont nombreux.
1) La certitude que rien ne doit-être changé
« On ne change pas une équipe qui gagne. » Proverbe Français
Combien de fois ai-je entendu cette phrase de la part d’équipes qui ne voulaient pas qu’on vienne challenger leur organisation.
Pourtant, lorsque l’entreprise engage une transformation vers une squad agile, c’est souvent parce que le fonctionnement actuel n’est pas aussi performant qu’il y paraît.
Ici, nous sommes vraiment au niveau élémentaire de la résistance au changement.
2) La certitude que rien ne peut être changé
« Ça ne marchera pas chez nous ! »
L’équipe admet désormais que son fonctionnement n’est pas optimal, mais elle rejette toute proposition de changement, même co-construite.
Elle se réfugie dans un fatalisme souvent alimenté par une hiérarchie ou par un contexte technique compliqué, alors que la première est très souvent à l’initiative de la transformation et que le second est parfois l’héritage de « l’équipe qui gagnait » évoquée à l’étape précédente.
3) Le cloisonnement
« Ce n’est pas au Dev de tester ! »
Ici chacun reste focalisé sur sa spécialité (dev, test, design…) sans chercher à comprendre ou contribuer au travail des autres.
Dans une squad agile, ce cloisonnement réduit la capacité de collaboration et finit par impacter la performance globale de l’équipe.
Et ne croyez pas que cette affirmation ne vient que des développeurs. Les QA peuvent parfois voir d’un mauvais œil qu’un Dev « empiète » sur leur périmètre.
Et certains managers préfèrent maintenir les individus dans des cases bien délimitées, plus faciles à contrôler.
4) Le manque de communication constructive
« Moi, je dis que c’est voué à l’échec… et l’équipe est d’accord avec moi ! »
Ici, nous avons trop de discussions informelles qui ne se traduisent pas en décisions concrètes et partagées.
Pire, elles se transforment souvent en bruits de couloir qui empoisonnent l’équipe petit à petit.
Cela peut aller des critiques sur les priorités et décisions prises (y compris celles auxquelles on a participé) à une absence totale d’engagement en dehors des réunions.
Découvrez dans cet article comment savoir lorsqu’on communique “bien”.
5) Le manque de confiance en l’organisation
« Tous ces KPI, c’est juste du flicage ! »
Encore un signe fort d’absence de confiance. Ici, la transparence est perçue comme un contrôle excessif.
Probablement, les vestiges d’un management avec lequel la direction souhaite trancher par le biais de la transformation agile en cours.
6) Le turnover et la perte de savoir
« On n’a pas le temps pour la documentation et l’intégration des nouveaux ! »
Le syndrome du serpent qui se mord la queue. Ici, nous n’avons pas de processus d’onboarding des nouveaux.
Pas de documentation pour faciliter leur intégration. Pas de prise de conscience de l’opportunité qu’apporte le sang neuf.
Au final :
- on néglige le nouvel arrivant,
- mais on passe quand même du temps à lui expliquer le minimum,
- on ne capitalise pas sur le processus d’intégration,
- Et il est probable que le nouvel arrivant ne termine pas sa période d’essai, car il se sent perdu et peu considéré.
Dans la continuité, le départ des anciens est aussi problématique car :
- personne ne prend de temps pour rédiger une documentation sur des sujets sensibles,
- on hyper-spécialisé les talents qui sont bien plus efficaces, mais peu nombreux,
- Et donc quand un expert part, son savoir le suit.
7) Le concept du cargo cult
« C’est la fin du sprint, il faut retirer de l’engagement tous les éléments non terminés, ainsi, on sera à 100 % de respect de l’engagement ! »
Le cargo cult vient d’un phénomène observé dans les îles du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les habitants ayant vu arriver des cargaisons par avions militaires ont voulu que ces livraisons reprennent après le départ des soldats.
Ils ont donc commencé à reproduire les signes extérieurs observés :
- ils ont construit des pistes d’atterrissage en terre,
- fabriqué de faux avions en bois,
- imité les gestes des soldats.
Bien sûr, les livraisons n’ont jamais repris.
Le cargo cult, c’est donc adopter les apparences et rituels d’un processus en pensant que ça suffira à en reproduire les résultats, mais sans comprendre ni appliquer les principes fondamentaux.
Une équipe qui bricole ses KPI pour faire plaisir au Scrum Master, est passée à côté du concept même de l’agilité et le Scrum Master a loupé une partie de sa mission.
Bonnes pratiques pour renforcer l’intelligence collective
« Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » Proverbe Africain
Les difficultés que nous venons de décrire ne sont pas une fatalité.
Voyons maintenant les stratégies pour les éviter et réduire le cloisonnement en environnement agile :
1) Passer de l’immobilisme à l’amélioration continue
Le but est de remplacer la résistance ou la critique passive par une dynamique de progrès.
Nous allons commencer par organiser des rétrospectives orientées actions et suivies d’effets mesurables afin de prouver le bien-fondé de la démarche.
Il faut construire les évolutions collectivement pour éviter le rejet, car si l’équipe participe à trouver des évolutions, elle va naturellement les accepter et donc les mener à bien.
Enfin, il faut ramener les discussions de couloir dans le cadre de l’équipe pour alimenter les débats et les transformer en solutions collectives.
2) Restaurer la confiance dans l’organisation
Nous allons chercher à faire de la transparence un levier d’alignement au lieu d’un outil de contrôle.
En premier lieu, il convient de faire un audit de la confiance en utilisant par exemple un sondage anonyme sur la pyramide de Lencioni.
Patrick Lencioni a défini un modèle décrivant les cinq défauts principaux des équipes dysfonctionnelles (pyramide rouge) et leurs équivalents en tant que points forts des équipes fonctionnelles (pyramide verte) :

La Pyramide de Lencioni
L’audit vous permettra de situer l’équipe et de voir le travail à accomplir avec l’organisation agile pour rétablir la confiance.
Ensuite, il convient d’expliquer l’objectif des indicateurs, de les contextualiser et d’impliquer l’équipe dans leur définition.
Il s’agit finalement de remplacer le reporting pour la hiérarchie, par des indicateurs utiles au quotidien afin d’améliorer l’efficacité des processus, éliminer les gâchis et donner la pleine puissance à l’équipe.
3) Capitaliser et intégrer efficacement
Il faut transformer chaque événement, comme le départ ou l’arrivée d’un collaborateur, en opportunité de progrès.
Par exemple :
Si on réalise, lors de l’intégration d’un nouvel élément, qu’une partie de la documentation est manquante, on va lui présenter, puis lui demander de rédiger cette documentation, ce qui viendra combler les lacunes initiales et permettra de valider s'il a bien saisi les concepts.
Il convient aussi de mettre en place un onboarding clair et documenté qui s'enrichit à chaque intégration.
Il faut aussi partager le savoir critique par l’intermédiaire du binômage (pair-programming), d’exposés de connaissances au sein de guildes thématiques ou dans des Wikis vivants.
Enfin, il faut encourager les nouveaux à challenger les pratiques existantes par le biais de rapports d'étonnement par exemple.
4) Éviter le mimétisme sans compréhension
Il faut comprendre et incarner les principes, plutôt que mimer les évènements.
Il faut replacer chaque pratique agile dans son objectif initial (valeur livrée, adaptation, collaboration).
Il faut former l’équipe aux fondements de l’agilité et pas seulement aux frameworks.
L’agilité, c'est une culture et pas juste des pratiques donc, il faut que l’équipe les ressente dans ses tripes pour modifier son ADN.
Il faut la questionner régulièrement sur la pertinence des évènements afin de s’assurer de la compréhension.
Enfin, il reste à développer une vision systémique en aidant l’équipe à prendre de la hauteur pour comprendre les interactions, les impacts et les dépendances.
C’est cette compréhension globale qui favorise des décisions éclairées et alignées avec la réalité et les objectifs.
Tableau récapitulatif des problèmes et solutions
Le tableau ci-dessous synthétise les problématiques abordées et les leviers concrets pour y remédier.
Problème rencontré | Solutions et outils recommandés |
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Résistance au changement |
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Manque de communication constructive et absence de décisions partagées |
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Cloisonnement des rôles |
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Manque de confiance, perception négative des KPI |
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Turnover élevé et perte de savoir |
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Mimétisme sans compréhension |
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Conclusion
Renforcer l’intelligence collective au sein d’une squad agile, c’est avant tout un travail de fond, qui implique de dépasser les résistances, d’instaurer une communication sincère et constructive, et de bâtir une confiance partagée autour d’objectifs communs.
En comprenant les obstacles réels rencontrés par les équipes, et en adoptant des solutions adaptées, la squad gagne en cohésion et en agilité.
L’intelligence collective s’exprime pleinement lorsque chaque membre se sent responsable, écouté, et engagé dans une aventure commune avec, à la clé, l’innovation et la performance.
« Ce n’est pas le fait de porter le même maillot qui fait une équipe, c’est de transpirer ensemble. » Aimé Jacquet