Réussir le passage d'un projet build au run est le but ultime de tout projet. C’est le début de la phase commerciale.
En effet, le développement/construction du projet ne sont qu’une étape pour atteindre le vrai objectif qui est de déployer votre produit sur le marché et répondre au besoin initial exprimé par le client.
Comment passer un projet (build) en phase d’exploitation (run) et comment assurer la maintenance efficace de votre produit ? C’est ce que nous allons découvrir.
Qu’est-ce que la phase d'exploitation ?
La phase d'exploitation du projet implique que votre projet a été approuvé, et que le cahier de charge initial a été complété et validé.
Cette phase est marquée par le handover du projet ou livraison du projet.
Le projet est maintenant une marque, une IP, un produit prêt à être commercialisé.
Prenons le cas d’une voiture : l’exploitation commence le jour où le produit est exposé sur les stands, après des mois/années de conception, études aérodynamiques, thermiques, acoustiques, choix de matériaux, prototypes, tests de sécurité….
Le respect de la date de mise en exploitation permet de maximiser la profitabilité de votre projet, tout en sachant que la qualité du produit impacte les ventes. Il faut donc à la fois respecter la qualité et les délais.
Ainsi, le passage du projet Build au Run consiste à transformer un projet théorique en produit exploitable par les utilisateurs, et savoir garantir son maintien en condition opérationnelle (MCO) par une équipe de maintenance.
Cela reflète le succès de la gestion de projet tout au long de son cycle de vie.
Quels sont les enjeux du passage en exploitation ?
En effet, l’objectif de toute entreprise est d’assurer un gain financier après avoir investi du temps et des ressources humaines et matérielles.
Ne pas passer un projet en phase d'exploitation aura des impacts financiers, mais aussi sur l’image de l’entreprise et sa capacité à respecter ses engagements vis-à-vis des clients et des actionnaires.
1) Impact financier
Les dates de mise du projet en exploitation sont étudiées pour maximiser le gain.
Prenons par exemple le cas de l’industrie des jeux vidéo (dont le chiffre d’affaires a dépassé celui du cinéma il y a bien des années). Les principales dates de mise en exploitation sont :
- 4ᵉ Trimestre : Cela permet de bénéficier de la période des fêtes (Thanksgiving et Noël) où les marchés américain et européen dépensent un maximum de leur budget dans les loisirs
- Mois de mars : car il coïncide avec l’annonce des résultats financiers des entreprises, et donc permettra de rassurer les actionnaires
- Les dates de sortie des nouvelles consoles : les joueurs s’empressent d’acheter tous les jeux disponibles…
Ces dates sont connues à l’avance et des campagnes marketing sont déployées pour préparer la sortie du produit.
En tant que chef de projet, vous n’avez pas d’autres choix que de respecter cette date, quels qu’en soient les moyens.
2) Impact Image
Ne pas respecter votre engagement date / qualité impactera votre crédibilité vis-à-vis de vos clients, et sa confiance en votre capacité à tenir vos engagements.
En tant qu’entreprise, votre objectif est de nouer des relations de partenariat avec vos clients pour assurer du service à long terme.
Sans cette relation de confiance et votre crédibilité, le client se tournera rapidement vers la concurrence.
Il est donc clair que les enjeux de mise en exploitation dépassent le simple projet, et la transition vers la maintenance est essentielle, voire vitale pour l’entreprise.
Les contraintes à considérer pour passer en exploitation
Il y a 2 points essentiels à considérer pour réussir son passage en exploitation :
- Une bonne gestion de la phase recette
- Une équipe solide
1) Phase recette
Pour ne pas revenir à la gestion du projet, supposons que tout s’est déroulé comme prévu et que le produit répond au cahier des charges.
Il reste maintenant à assurer la phase de recette, ce qui implique que l’on doit vérifier les aspects suivants :
- Les anomalies bloquantes
- Les failles de sécurité
- Le stress test
1.1) Anomalies bloquantes
Pour cela, il faut définir un référentiel de priorité des anomalies projet à corriger.
Ci-dessous un exemple :
Anomalie | Bloquante | Sévère | Gênante | Légère |
---|---|---|---|---|
Reproductible à 100% | 0 | 1 | 2 | 3 |
Reproductible à 50% | 1 | 1 | 2 | 3 |
Reproductible à 25% | 2 | 2 | 3 | 4 |
Reproductibilité < 10% | 3 | 3 | 4 | 4 |
- Priorité < 2 : Anomalies à corriger absolument, sinon le projet ne sera pas validé
- Priorité 3 : Anomalies à corriger autant que possible. Ne sont pas bloquantes s’ils sont peu
- Priorité 4 : Anomalies non bloquantes, mais risque d’impacter la qualité
Votre équipe doit se concentrer sur la correction des anomalies bloquantes, et surtout éviter d’en créer d’autres.
Il est recommandé de faire appel à une équipe de test externe pour éviter les parties prises. Cette équipe reportera directement au chef de projet.
Il va sans dire qu’un dispositif spécial doit être mis en place durant cette phase, et que le suivi quotidien du nombre et types d’anomalies est plus que nécessaire.
Modèles : Cahier de Recette & Plan de Test
Testez la conformité des livrables avec le cahier de recette et le plan de test
1.2) Failles de sécurité
Les failles de sécurité peuvent engendrer des pertes financières considérables, voire une rupture de contrat, car cela implique la mise en danger des données des usagers ou leur sécurité.
Pour cela, il faut respecter les bonnes pratiques :
- Dans le domaine IT, on parle du To 10 OASP et des tests de pénétrations. Mais aussi des scans SONAR pour prouver qu’il n’y a pas de dette technique dans le produit
- Dans le bâtiment, les bureaux de contrôle font des visites chantiers à l’improviste pour prendre des échantillons de béton à tester en laboratoire
- Dans l’automobile, les tests sur terrain sont pris très au sérieux avec des experts qui éprouvent le système
Pensez donc à livrer un rapport de tests de sécurité en même temps que le produit, à valider par votre client.
C’est une preuve que vous avez fait le nécessaire, et qui décline votre responsabilité en cas de mauvaise surprise par la suite.
1.3) Stress tests
Est-ce que le produit continuera à bien répondre au cahier de charge s’il est sollicité dans les conditions réelles ?
En IT, on parle de tests de charge où l’on simule une connexion simultanée de milliers d’utilisateurs, puis on analyse le temps de réponse du système.
Dans le domaine industriel, on teste la durée de vie de toutes les composantes, leurs réactions aux variations atmosphériques, …
2) Une équipe Solide
Durant la phase de recette, votre objectif est de converger vers un produit assez stable pour être exploité. Le produit à zéro bug n’existe pas !
Votre équipe doit donc être consciente des enjeux de cette phase, et éviter les prises de risque inutiles.
Vous n’avez plus du temps pour rattraper d’éventuelles erreurs, il est ainsi essentiel de faire des suivis quotidiens de l’avancement des travaux, et des points hebdomadaires avec le client pour partager l’avancement et les blocages.
Au pire, ne pas hésiter aussi à dépasser légèrement votre budget : les pertes seront bien moins que le décalage de la date de mise en exploitation.
Alors si besoin, ramenez du renfort ou des experts en plus pour vous aider à clôturer votre projet. Durant la phase de recette, les experts sont les rois.
Maintenez aussi une communication continue avec votre client et n’hésitez pas à rediscuter les priorités des anomalies.
En effet, la correction de certaines anomalies peut s’avérer plus dangereuse que le dysfonctionnement.
Checklist de passage du projet build au run
Pour résumer, voici une checklist avec les points à vérifier depuis la validation du projet jusqu'à l'entrée en maintenance :
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Qu’est-ce que la maintenance ?
L’exploitation d’un produit implique son utilisation à grande échelle dans des conditions extrêmes.
Reprenons l'exemple plus haut :
- Une application sera utilisée par des milliers d’utilisateurs, dans diverses machines de façon très diversifiées
- Une voiture sera conduite par des millions d’usagers, dans des conditions climatiques et routiers extrêmes, avec différents modes de conduite.
Ce produit a été développé à la suite d’hypothèse et choix techniques qui permettaient un dimensionnement optimal des composants.
Or, quelques soit les précautions prise, il y a toujours des situations particulières qui peuvent générer une instabilité, voire indisponibilité du système.
Quand faire appel à la maintenance ?
Prenons quelques exemples pour être plus explicite :
1. Cas de l'assainissement :
Les canalisations pluviométriques sont dimensionnées en fonction du maximum de débit pluviométrique des 30 dernières années.
Mais cela n’empêche pas qu’il y ait exception et qu’on ait une pluie à débit exceptionnel.
Dans ce cas, il y aura probablement inondation, non pas parce que le produit est défaillant, mais parce que les conditions rencontrées lors de l’exploitation dépassent exceptionnellement les hypothèses de production.
L’équipe de maintenance a donc pour rôle d’intervenir pour rétablir le bon fonctionnement du système.
2. Cas d'une infrastructure web :
Le même principe s’applique pour le dimensionnement d’une infrastructure web. Les serveurs sont dimensionnés par suite d’hypothèses de charge et des performances cibles.
Bien qu’on fasse des tirs de performance pour simuler le trafic, il peut arriver qu’il y ait encombrement à la suite d’une surutilisation ou attaque pirates.
Il est donc naturel que le constructeur assure un service de maintenance dont l’objectif est de :
- Assurer le maintien en condition opérationnel du produit
- Garantir la sécurité du produit
- Répondre aux questions / incompréhensions des utilisateurs
- Corriger les anomalies détectées
- Améliorer/optimiser le produit
- Le faire évoluer en intégrant de nouvelles fonctionnalités
Quels sont les différents types de maintenance ?
On parle alors de 4 types de maintenance en gestion de projet :
1) L’assistance aux utilisateurs
Tout nouveau produit nécessite un temps d’adaptation aux clients pour maitriser son utilisation.
Ce qui peut paraitre une anomalie s’avère la plupart de temps une incompréhension du système et des conditions d’utilisation.
Pour cela, un support niveau 1 et 2 aux utilisateurs est nécessaire pour répondre à leurs questions et pour les conseiller.
2) La maintenance Corrective
Dans des cas particuliers, votre système peut ne pas réagir conformément au cahier de charge.
Ce sont généralement des anomalies que nous n’avons pas détectées en période de recette et qui peuvent altérer l’expérience de l’utilisateur.
Comme un client insatisfait peut influencer d’autres clients, il est nécessaire de corriger l’anomalie de façon rapide et efficace.
3) La maintenance préventive
Comme son nom l’indique, c’est en prévention d’une éventuelle faille ou mises à jour sécurité.
Cela peut être aussi une amélioration du système pour répondre au nombre croissant des utilisateurs, ou parfois à de nouvelles lois (exemple : RGPD).
4) La maintenance évolutive
Il s'agit de toute évolution du système non prévue initialement, dont l’objectif est d’ajouter de nouvelles fonctionnalités.
La durée de traitement est spécifique à chaque demande.
Comment préparer la mise en place de la maintenance ?
Un projet de maintenance est géré sous deux conditions :
- Mise en place dès la première année du projet
- Nécessite une agilité dans la gestion de projet
1) Mise en place dès la première année du projet
Les projets récemment développés sont toujours fragiles, et nécessitent une maintenance importante la première année.
En effet, le nombre d’anomalies ou incompréhensions n’est jamais aussi important que la première année, et votre équipe doit répondre à toutes les demandes.
En sachant que les projets de développement d’un produit (dits projets Build) ont généralement 3 phases (conception, production et recette), le projet de maintenance est un projet à part entière qui est de nature différente :
- Les demandes concernent un produit en exploitation et peuvent être de nature urgente, voire bloquantes
- Les corrections seront aussi injectées dans la prod après vérification
- L’équipe de support n’a pas le droit à l’erreur et doit être capable de travailler efficacement sous pression
- L’engagement de l’équipe support (SLA) est sur :
- Le temps de prise en charge de la demande
- Le délai de livraison
- La qualité de la livraison
2) Adaptation du mode de gestion de projet
Le projet de maintenance affecte le mode de gestion du projet qui doit être flexible et agile, mais aussi l’équipe qui doit être compétente et réactive.
Le suivi en temps réel des demandes et corrections est impératif.
Afin de dimensionner votre dispositif de maintenance de façon efficace, prenons l’exemple ci-dessous :
Type de maintenance | Nombre d’anomalies estimé pour la 1 ère année | Temps moyen estimé pour corriger une anomalie (j) | Nombre total jours de maintenance nécessaire (j) |
---|---|---|---|
Assistance aux utilisateurs | 10 000 | 0,125 jour | 1250 jours |
Correction des anomalies | 500 | 1 jour | 500 jours |
Évolution du produit | 70 | 10 jours | 700 jours |
Total nombre jours nécessaire pour l’équipe de maintenance | 2450 jours |
3) La commande annuelle de maintenance
Sachant qu’une année contient 230 jours ouvrables, pour assurer 2350 jours de maintenance, il vous faut : 2350 / 230 = 10,65 ETP (= consultant travaillant à temps plein)
Donc votre équipe doit être composée de 10 consultants à temps plein + un consultant à 65%.
Découvrez ici des conseils pour créer une équipe projet performante.
Vous n’avez alors qu’à multiplier le nombre d’ETP (Equivalent Temps Plein) par le prix journalier pour avoir votre commande annuelle de maintenance.
Bien sûr, les hypothèses de départ (nombre d’anomalies) peuvent varier à la hausse ou à la baisse.
Pour ajuster votre dispositif à la réalité, des points de revue trimestriels ou semestriels doivent avoir lieu avec le client pour revoir votre commande à la hausse ou à la baisse.
Conclusion
Réussir le passage d'un projet en phase d’exploitation et de maintenance est un succès qui reflète les efforts de l’équipe durant toutes les phases du projet.
C’est aussi une mine d’apprentissages. Mais c’est la phase de maintenance qui garantit le bon maintien en condition opérationnel de votre produit.
Vous savez aussi que vous ne pourrez pas éviter tous les risques.
Pensez donc à les partager avec le client et votre hiérarchie pour trouver des solutions.