Évaluer la performance d’un portefeuille projets : 6 mesures d’analyse pour un pilotage stratégique

La mise en place de la gestion de projets par portefeuille est une évolution dans la maturité d’un Bureau de Projets. 

Focus sur l’alignement stratégique, la création de valeur, l’optimisation de l’utilisation des ressources !

Il faut ensuite confirmer que tout cela fonctionne et apporte réellement un plus à l’organisation.

Que peut-on faire pour confirmer que cette approche est valide et comment en évaluer la performance ?

La performance dʼun portefeuille de projets peut être évaluée en sʼappuyant sur plusieurs critères essentiels, allant de la capacité à exécuter efficacement les initiatives à la bonne utilisation des ressources, en passant par la solidité de la gouvernance et lʼappréciation des résultats obtenus après la livraison.

Mesure #1 : Sélection des initiatives

L’un des points clé de la gestion de portefeuille est la bonne sélection des initiatives.

Au départ, il y a toujours plus de demandes que de capacités de réalisation.

Évaluer la performance commence donc en amont :

  • Être efficace dans la catégorisation, l’évaluation, la priorisation et l’approbation des projets : c’est la partie gouvernance.
  • Bien choisir les projets : c’est la meilleure manière d’avoir une bonne performance.

1) Des attributs et des critères de choix clairs et cohérents

À la base, toute initiative devrait être décrite et « qualifiée » par le biais d’attributs.

Pour pouvoir classifier correctement les projets, on utilise en général un système de pondération associé aux attributs : tel attribut aura un poids 1 alors que l’autre aura un poids 3.

Cela permet d’aligner les attributs avec la stratégie de l’entreprise et obtenir un ranking qui a du sens.

Exemple :

Critères de catégorisation et sélection de projets

Il est essentiel que :

  • Les attributs utilisés soient acceptés et compris par tous, essentiellement les membres du CODIR.
  • La logique de priorisation (pondération et formule) soit claire et fournisse des résultats cohérents avec la stratégie de l’entreprise.

Combien d’attributs ?

Au moment de la définition des attributs, il peut être tentant d'en créer de nombreux, afin de prendre en compte « toutes » les possibilités et d’avoir une description exhaustive des initiatives.

ATTENTION ! Trop d’information tue l’information. Il est préférable de commencer modestement avec 5-10 critères simples et clairs, plutôt que d’avoir des projets définis de manière trop détaillée qui seront difficiles à prioriser entre eux.

2) La durée du cycle d’évaluation des initiatives

L’une des critiques les plus courantes concernant les processus de sélection des initiatives est la durée entre le temps de saisie de l’initiative et son approbation (ou non-approbation).

Outre le fait que le processus doit être clair et transparent, correctement communiqué et informé comme nous l’avons vu précédemment, il est essentiel qu’il soit rapide.

En effet, nous avons généralement affaire à deux types de demandes :

  • Les demandes associées à la stratégie à long terme de l’entreprise et celles liées à la maintenance et aux fondamentaux
  • Les demandes métiers liées à la dynamique du marché et les demandes réglementaires pouvant survenir à tout moment

Décrire les flux avec les différentes phases et mesurer le temps passé pour chaque phase.

Processus d’initiation et d’approbation de projet

Pour chaque étape, on enregistre la date et la quantité de projets qui continuent jusqu’à l’approbation.

Accompagner toutes les initiatives et mesurer le ratio d’approbation en documentant les causes de rejet.

Prenons un exemple sur 20 initiatives enregistrées. Au cours de l’année, nous aurons :

  • Une durée moyenne de la première analyse de 20,15 jours
  • 60% des initiatives passant la première analyse, 15% rejetées, car imprécises et 25% rejetées, car non alignées avec la stratégie
  • Une durée moyenne totale entre l’enregistrement et l’approbation de 107 jours
  • 30% des initiatives initialement enregistrées, finalement approuvées
template suivi des initiatives

Télécharger ce modèle suivi initiatives portefeuille projet

Processus d’exception

Dans le contexte dynamique qui est le nôtre, une gouvernance efficace doit comporter des mesures d’exceptions qui permettent d’analyser et d’approuver, si nécessaire, des projets plus rapidement que le processus établi.

  • Demande réglementaire urgente : certains pays créent des normes à caractère d’urgence avec parfois des effets rétroactifs
  • Adaptation à des changements du marché, comme une réponse à un nouveau produit de la concurrence

Avoir ce genre de mesure permet de maintenir une gouvernance robuste tout en continuant à répondre à la demande.

3) Les projets confidentiels

Un cas particulier concerne les fameux projets « confidentiels ».

Très souvent « Top-Down », c’est-à-dire venant directement du comité exécutif, voire de la présidence, ils doivent être maniés avec précaution.

Certains projets comme les Fusions Acquisitions, les fermetures de sites ou les réorganisations doivent être gérés avec un minimum de confidentialité.

Néanmoins, il faut avoir à l’esprit les points suivants :

  • La confidentialité a souvent une durée de vie assez courte : tout finit par se savoir.
  • La confidentialité n’est pas une raison pour ne pas catégoriser et évaluer le projet : il suffit que cela soit fait en comité restreint.

Dans certains cas, il peut être nécessaire de définir un attribut = confidentiel, pour maintenir ces projets dans le processus, tout en les traitant de manière différente.

Mesure #2 : Exécution et livraison des projets

Les projets sont maintenant en exécution ; nous avons donc maintenant une liste d’éléments alignés avec la stratégie de l’organisation.

1) La performance des projets

Évaluer la performance ici consiste à évaluer la bonne exécution des projets. Nous sommes dans la partie « Do the thing right ».

On peut ici rester dans l’approche classique et accompagner les projets en suivant le triptyque coûts, périmètre, délais.  

De manière simple et intuitive, on pourra évaluer la performance d’un portefeuille en portant son attention sur :

La quantité de projets en Vert, Jaune, Rouge

tableau de bord de portefeuille projets

Et la quantité de demandes de modification ET leurs raisons

L’essentiel est de définir des critères d’évaluation tangibles et intangibles et de les accompagner, de les mesurer.

La quantité de Demande de Modification est-elle un critère ?

En théorie, plus il y a de changements, moins le projet est bien géré !

Ce n’est pas aussi simple. Si le projet est mal cadré, le budget mal évalué au départ, le fait d’émettre une ou plusieurs demandes de changement a pour origine un problème de cadrage et pas une mauvaise gestion.

D’un autre côté, il est « sain » d’avoir des demandes de changements au cours du projet ; en effet, cela prouve une capacité d’adaptation à la réalité.

En résumé : toujours faire attention aux critères d’évaluation, qui non seulement peuvent ne pas être opportuns et d’autre part, peuvent parfois inciter les équipes à se concentrer sur les mauvais sujets.

2) L’avis des parties prenantes

Un portefeuille est plus qu’un regroupement de projets dont nous devons accompagner la performance tangible en termes de coût, délais, périmètres.

Il implique également des parties prenantes, qu’elles soient sponsor, responsable de département, fournisseur, membre du CODIR ou membre de l’équipe projet.

Analyser la satisfaction des parties prenantes fait partie de l’évaluation de la performance du portefeuille, dans le sens où cela permet de détecter des « signaux faibles » et commencer à évaluer la valeur et les bénéfices que vont apporter les projets, tout en analysant leur exécution d’un point de vue humain et organisationnel.

Pour cela :

  • Évaluez la satisfaction des parties prenantes pour chaque projet.
  • Prenez en compte les retours des parties prenantes pour améliorer la gestion de portefeuille.

Ci-dessous deux exemples d’OKR (Objectives & Key Results) pour accompagner la satisfaction des parties prenantes.

Header

Augmenter la satisfaction des parties prenantes

OKR 1

Atteindre un score de satisfaction des parties prenantes de 90% dans les enquêtes mensuelles ou trimestrielles

OKR 2

Réduire le nombre de plaintes des parties prenantes de 10% à 2% d'ici la fin de l'année

Mesure #3 : Utilisation des ressources

L’un des avantages de la gestion de portefeuille est la possibilité d’avoir une vue globale de l’utilisation des ressources de tous les projets et de pouvoir l’optimiser.

Nous parlons ici de Capacité (quantitatif) et de Capabilité (qualitatif = gestion des compétences).

Synchroniser les projets et ressources efficacement

1) Aspect quantitatif

C’est un point crucial pour les ESN (Entreprises de Services Numériques), et cela devrait l’être pour toutes les entreprises : maximiser l’utilisation des ressources tout en évitant les surcharges.

Autrement dit, on doit pouvoir analyser les facteurs suivants :

  • Le degré d’utilisation des ressources et l’appel à de la main d’œuvre externe.
  • La bonne utilisation des ressources sur les projets les plus importants.
  • L’impact de la gestion des ressources sur les délais des projets.

Plus le projet est stratégique, plus il est important pour l’entreprise, plus il doit comprendre des ressources clés et performantes pour maximiser la probabilité de succès et de livraison de valeur.

De même, un projet stratégique doit pouvoir, dès le début, avoir son équipe au complet pour commencer rapidement.

On pourra utiliser les OKR suivants :

Header

Optimiser l'utilisation des ressources

OKR 3

Atteindre une utilisation des ressources de 85% pour tous les projets d'ici au prochain trimestre

OKR 4

Réduire les heures supplémentaires de 15% à 5% au cours des trois prochains mois

Un signal d’alarme : les retards dus au manque de ressource

Ici, nous avons affaire à une contre-performance : le projet est approuvé, mais met du temps à commencer par manque de ressource.

Cela peut être un retard dans l’affectation des ressources internes ou un délai dans la signature d’un contrat de sous-traitance.

C’est le plus souvent un signe de déconnexion entre la gestion des ressources, l’approbation des projets et une mauvaise évaluation de la durée des processus internes de l’organisation : achats, juridique, affectation des ressources internes.

C’est ici le rôle des gestionnaires de portefeuille de définir précisément les éléments nécessaires au bon commencement d’un projet et d’escalader les sujets si nécessaire !

2) Ressources et compétences

D’un point de vue plus qualitatif, il est important d’aborder le sujet des compétences : l’organisation a-t-elle suffisamment de compétences, et les bonnes compétences pour assurer la performance de ses portefeuilles ?

Analyse des compétences et alignement stratégique

Aujourd’hui, il est impressionnant de voir la liste des postes en recherche de candidats de la plupart des entreprises.

Il est clair que non seulement il y a un manque de personnes, mais également un manque de compétences.

La performance du portefeuille pourra être évaluée sur la capacité à anticiper les besoins en termes de compétences et comment y répondre, gardant en tête que l’exécution de cette partie est souvent de la responsabilité du Département des Ressources Humaines, tant du point de vue formation que du recrutement.

Travailler sur un projet stratégique : un facteur de motivation ?

D’un point de vue Ressources Humaines et gestion de la motivation, signaler clairement quels sont les projets stratégiques pour l’entreprise et y affecter les meilleurs éléments peut être un facteur de motivation.

Toutefois, ce concept est à manier avec précaution, pour ne pas obtenir un effet de démotivation pour ceux affectés aux autres projets !

En fait, TOUS les projets en exécution sont importants.

Les éventuels arbitrages en cours de route ne doivent pas affecter leur performance.

Mesure #4 : Gouvernance efficace

Quand on aborde l’approche Lean de la gestion de portefeuille, on s’aperçoit qu’un aspect fondamental d’un portefeuille efficace est la capacité à s’adapter rapidement :

  • Changement externe
  • Modification du contexte interne
  • Performance de chaque projet

C’est sans doute le point le plus sensible dans la gestion de portefeuille : être capable de ralentir, d’accélérer, de mettre en pause, voire d’annuler un projet en cours de route !

En effet, la vie n’est pas (n’est plus) « un long fleuve tranquille ».

Les facteurs externes peuvent changer, les conditions internes également.

La stratégie de l’organisation peut être modifiée.

Les ressources internes peuvent changer tant en termes de disponibilité. Enfin, certains projets peuvent performer moins bien que prévu.

Il est également essentiel de structurer une démarche de gestion des risques adaptée au portefeuille de projets.

Peut-on mettre fin, annuler un projet ?

En anglais, on utilise le mot « terminate », qui est assez parlant.

Doit-on, peut-on arrêter un projet pendant son exécution ? 

C’est une décision très difficile à prendre, car la première réaction est souvent une sensation de gâchis, de mauvaise décision, d’inefficacité.

Cependant, lorsque le contexte change, lorsque le projet affronte des difficultés technologiques importantes, lorsque le projet « s’enlise », la bonne décision est parfois de tout arrêter et de rééquilibrer le portefeuille. 

La capacité à prendre ce genre de décision est très souvent un indice de maturité de la gestion de portefeuille.

Il faut donc être capable de revoir les priorités et d’agir sur certains projets.

On pourra ici utiliser les OKR suivants :

Header

Améliorer l'alignement stratégique des projets

OKR 5

Augmenter le pourcentage de projets alignés avec les objectifs stratégiques de 70% à 90% d'ici à la fin de l'année

OKR 6

Réduire le nombre de projets non alignés de 20% à 5% au cours des six prochains mois

Mesure #5 : Équilibre Valeur / Risque

Une bonne manière d’évaluer la performance d’un portefeuille est de confirmer l’équilibre qui existe entre les Risques et la Valeur attendue.

L’appétence aux risques de chaque organisation est différente ; néanmoins un équilibre est essentiel. 

  • En X – la Valeur attendue (1 – Faible ⇾ 5 – Très Élevée)
  • En Y – Le Risque (1 – Faible ⇾ 5 – Très élevé)
  • La taille de la bulle est proportionnelle au budget du projet

1) Portefeuille mal équilibré

Portefeuille mal équilibré

Ici, une grande partie du budget est allouée à des projets certes à forte valeur escomptée, mais c’est très risqué. 

2) Portefeuille mieux équilibré

Portefeuille équilibré

Ce portefeuille est plus équilibré : une plus grande partie du budget est alloué à des projets moins risqués qui apporteront de la valeur à l’entreprise.

Comme déjà commenté, chaque organisation possède son propre profil d’appétence au risque, profil qui peut varier en fonction des circonstances.

Néanmoins cette représentation visuelle permet d’avoir immédiatement une vision complète du portefeuille et de détecter d’éventuel besoin de rééquilibrage. 

Mesure #6 : Après la livraison

Les projets sont livrés, il est maintenant en phase de clôture. C’est donc l’heure du bilan.

En plus de confirmer si le projet a été un succès d’un point de vue périmètre, délais et coûts, il faudra confirmer si ce qui a été livré répond à l’attente du commanditaire et est bien aligné avec la stratégie de l’entreprise.

Ici, on peut utiliser des KPI de plusieurs types :

  • Les indicateurs classiques en comparant la définition en début de projet et le bilan final :
    • Budget initial vs. Coût final
    • Planning initial vs. Planning réalisé
    • Quantité de demande de modification et leurs raisons
  • Une confirmation de la valeur et du bénéfice livré par rapport à ce qui avait été défini au départ.
  • Un bilan d’une enquête de satisfaction des principales parties prenantes.

Conclusion

L'évaluation de la performance d'un portefeuille de projet est un processus continu qui nécessite une analyse régulière de la performance des projets, de l’utilisation et des compétences des équipes, de la valeur livrée par les projets et des risques associés. 

Nous avons fourni quelques concepts et exemples pour évaluer la performance des portefeuilles de projets. 

C’est en fait un exercice qui doit allier rigueur financière et de gouvernance, tout en ajoutant de l’agilité, nécessaire à une bonne adaptation aux contextes toujours plus imprévisibles.

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Christophe Delalande

A propos de l'auteur

Passionné par la gestion de projet depuis sa certification PMP en 2005, Christophe a géré des projets, des programmes et des portefeuilles, réalisé des intégrations de systèmes informatiques en contexte international sur les 4 continents, et plus particulièrement en Amérique du Sud.
Il travaille quotidiennement en Anglais, Espagnol, Français et Portugais.
Également certifié PMI-RMP et PMI-ACP, il continue à se mettre à jour d’un point de vue technique et méthodologique.
Il est également ceinture noire de Karaté Shotokan. En savoir plus sur Christophe et ses publications

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