La gestion de portefeuille Agile applique les principes Agile au-delà des projets individuels pour les intégrer à l’ensemble du portefeuille projets.
L’agilité, telle qu’elle a été conçue dans les années 90, ne prenait en compte que les besoins au niveau du projet.
Ceci convient parfaitement à de petits projets avec des équipes de taille humaine (8 à 10 personnes).
Or, dans une optique de meilleure stratégie et d’alignement et pour des projets de plus grande envergure, cela ne convient pas du tout !
C’est pour cela que dans les années 2010, le besoin d’une agilité à l’échelle prenant en compte une vue plus large a mené à la création de plusieurs cadres d’agilité à l’échelle, que ce soit à l’échelle de l’entreprise ou du portefeuille, comme Scrum of Scrums, Scaled Agile Framework (SAFE), Disciplined Agile (DA), Kanban Portefeuille.
Nous allons voir dans cet article comment appliquer l’agilité à l’échelle du portefeuille projets et quels en sont les avantages.
C’est peut-être là la vraie définition d’une entreprise agile, celle qui peut étendre les principes agiles à grande échelle et plus seulement à celle du projet.
Les défis du pilotage classique face à des priorités changeantes
De nos jours, tout peut changer si vite que faire des budgets et des objectifs sur l’année ou trois ans peut vraiment empêcher l’entreprise de répondre à un marché en perpétuel mouvement !
Pouvoir réagir à tout changement de contexte, perte de valeur ou de nouvelles priorités est indispensable aujourd’hui.
Cette manière de gérer le portefeuille engendre des projets lancés sans lien clair, des arbitrages incohérents et des frustrations des équipes.
Or le but d’une gestion de portefeuille projets réussie est l’alignement à tous les niveaux des projets à la stratégie.
Cette gestion classique est drivée par les indicateurs KPIs comme le respect du budget, les délais ou le pourcentage d’avancement.
Mais ils ne mesurent pas la valeur du projet du point de vue du client, de l'utilisateur ou encore de l’organisation.
Les problèmes récurrents en entreprise en gestion de portefeuille
Voici quelques problématiques récurrentes en entreprise en gestion de portefeuille classique.
Souvent, les projets du portefeuille sont sélectionnés en comité une seule fois par an. Ils sont validés sur la base du business à cet instant t et restent figés pour toute l’année.
Le reste de l’année, il y aura peu d’évolution, personne n’ose remettre en question cette décision du comité.
Pourtant, entre temps, des opportunités ou des menaces peuvent surgir, par exemple l’émergence d’un nouveau produit ou d’une nouvelle réglementation.
Il est, dans ce contexte difficile, de rester en phase avec le marché ou l’évolution du besoin des utilisateurs.
Le maintien de ces projets obsolètes devient une perte de valeur et un gaspillage de ressources.
Dans le cas où un nouveau besoin métier apparaît entre deux comités, la gestion de portefeuille classique n’a pas la capacité de prendre en compte ce nouveau besoin.
Elle ne permet pas non plus de remettre à plat les projets, empêchant d’ajuster les moyens à la stratégie réelle et non théorique.
Ce sont deux exemples des limites de ne pas permettre une réactivité et des décisions agiles.
Un autre exemple est le manque de transversalité et de cohérence entre les portefeuilles de l’entreprise.
Chaque direction de département gère son portefeuille, avec ses critères, ses priorités et ses outils.
Cela pose un problème de manque de vision globale menant à des arbitrages les uns des autres.
Une autre problématique qui empêche l’amélioration continue et adaptée, ce sont les enseignements qui arrivent trop tard, souvent en fin d’année ou de projets.
Découvrez dans cet article Quand et comment re-prioriser un projet dans un portefeuille de projets.
Ce que l’agilité apporte au niveau portefeuille
Ce que l’agilité change réellement dans le pilotage d’un portefeuille, c’est la capacité à adapter les priorités en continu, sans attendre un cycle budgétaire figé.
En appliquant les principes agiles à l’échelle, on transforme la gouvernance :
Le portefeuille n’est plus un plan établi une fois pour toutes, mais un cadre vivant, capable de s’ajuster à tout moment.
1) Un pilotage en cycles courts, au service de la décision
Le pilotage devient adaptatif.
Des revues de portefeuille sont organisées toutes les 8 semaines, en cohérence avec le rythme des sprints ou des incréments.
Ce temps régulier permet de réévaluer les projets en cours, de trancher sur les arbitrages à faire, et surtout, de réagir vite en cas d’élément nouveau.
2) Un lien explicite entre projets et objectifs stratégiques
Les projets sont reliés à des objectifs stratégiques clairs et mesurables.
Chaque initiative s’inscrit dans une logique de valeur, souvent exprimée via des OKRs ou des KPI.
Ce lien direct entre projet et impact stratégique permet d’éviter les efforts dispersés et de concentrer les ressources là où l’effet est réel.
3) La capacité à interrompre les projets à faible valeur
Il devient aussi plus simple de stopper un projet à faible valeur.
L’agilité remet en cause la logique du “on a commencé, donc on finit”.
Ce qui compte, c’est la pertinence au moment présent.
Tester, apprendre, corriger, sans perdre de temps à poursuivre ce qui ne produit pas de résultats tangibles.
C’est aussi un signe de maturité en gouvernance : savoir ajuster ou stopper un projet en fonction de son contexte et de sa performance réelle, plutôt que par inertie ou pression politique.
4) Une gouvernance partagée et transparente
Le portefeuille devient un espace de dialogue, pas juste un outil de suivi.
Grâce aux tableaux de bord dynamiques et à la transparence sur les données (charge, avancement, dépendances), les équipes partagent une même vision.
Cela réduit les angles morts, les doublons, les effets de surprise.
Pour affiner ce pilotage, certaines organisations introduisent des mesures régulières de performance à l’échelle du portefeuille, en évaluant aussi bien la qualité des arbitrages que l’exécution concrète des projets.
5) Une structure pensée pour absorber les imprévus
Ce pilotage en temps réel permet aussi de mieux gérer les aléas.
Un retard fournisseur, un changement réglementaire ou une tension budgétaire ne paralysent plus la machine.
La structure même du portefeuille est conçue pour absorber ces variations, et faire émerger des réponses collectives.
6) Un changement culturel orienté valeur et apprentissage
Enfin, le changement culturel est notable. On passe d’une logique de contrôle à une logique d’apprentissage.
Le portefeuille agile ne cherche pas à figer des engagements, mais à maximiser la création de valeur en continu, au plus près des enjeux du terrain.
Les 5 premières étapes de la mise en place d’un portefeuille Agile

1) Alignement sur les priorités stratégiques
Il n’est pas pertinent d’avoir des objectifs annuels, mais si tel est le cas, les décliner et les clarifier au trimestre.
En prérequis :
- La stratégie doit être formalisée et comprise
- Les objectifs doivent être définis SMART et actionnable
Utiliser la méthode des OKR par exemple pour cela.
Ensuite, faire un inventaire des projets et rattacher clairement chaque projet à un objectif.
Vous pouvez utiliser une matrice alignement projet-stratégie, les outils comme Jira bien paramétrés peuvent faire cette roadmap.
Priorisez les projets en fonction de leur contribution aux objectifs.
Certains projets présentent des niveaux de risque plus élevés ou des interdépendances critiques, qu’il est utile de prendre en compte dès cette étape de priorisation.
2) Revue de portefeuille fréquente
Chaque 8 semaines, les équipes se réunissent pour lancer le prochain cycle, quelles en sont les étapes et les priorités.
En amont de cela, les décideurs clés examinent les avancées majeures, vérifient que les projets et objectifs sont toujours pertinents et apportent de la valeur. Ils réévaluent ainsi les priorités et ajustent le cas échéant.
En prérequis :
- Un cycle de pilotage partagé et compris par tous.
- Des acteurs mobilisés et disponibles.
Organisez une revue de portefeuille tous les deux mois avec l’ensemble des parties prenantes stratégiques : Portfolio Owner, PMO, sponsors métiers, représentants IT.
En amont, préparez une synthèse visuelle du portefeuille (état d’avancement, valeur attendue, alertes).
3) Mise en place d’un outil partagé
Les outils comme Jira, Miro, ou Trello permettent de visualiser l’ensemble des projets du portefeuille.
En prérequis :
- Asseoir une liste de projets à suivre
- Identifier les utilisateurs et leurs besoins.
Des vues sont possibles suivant leur statut ou leur priorité. Il est important que toutes les parties prenantes accèdent et puissent bien utiliser l’outil.
N’oubliez pas de former les utilisateurs pour leur permettre de bien prendre en main l’outil et de l’exploiter au maximum et qu’il réponde à chaque besoin.
4) Clarification des rôles et responsabilités
En prérequis : La gouvernance du portefeuille doit être bien définie ainsi que tous les rôles.
Cette structure a besoin de rôles clés, en plus des rôles pour chaque projet (en SCRUM par exemple, Product Owner, Scrum Master, équipe Scrum).
D’autres rôles sont nécessaires au niveau portefeuille comme le Portfolio Owner, Le PMO Agile ou les Epic Owners :
- Le Portfolio Owner est celui qui a la vision et est en charge des arbitrages.
- Le PMO Agile anime, met en place les outils et est responsable du reporting.
- Les épics owners, sont eux responsables des gros projets ou programmes du portefeuille.
Il y a aussi les représentants du terrain ou des métiers. Dans certains cadres, il y a aussi l’architecte ou d’autres rôles.
5) Formation et acculturation
Comme pour toute nouvelle méthodologie, nouveau changement, il faudra accompagner le changement.
En prérequis, les personnes influentes doivent être identifiées et bien s’assurer que le mindset est adapté.
La première chose à faire est des sessions d’acculturation à l’agilité, cela ne se fera pas du jour au lendemain.
Expliquer comment baser la prise de décision sur la valeur et accompagner les managers pour prendre en main ces méthodes.
Des exemples de cadre agile applicable au portefeuille
Mettre en œuvre l’agilité appliquée au portefeuille ne peut se faire sans méthode.
Il existe plusieurs cadres de référence qui seront appropriés en fonction de la taille de l’organisation, de sa culture ou de la maturité.
Voici 3 approches qui permettent un pilotage agile de portefeuille :
1) Kanban de portefeuille
C’est une méthode de visualisation inspirée du Leader.
Elle permet de cartographier l’ensemble des projets et initiatives, limitant ainsi le travail en cours et évitant les engorgements.
Il y a pour cela un tableau unique.
Il est possible de le déployer avec Trello, Jira, Miro ou Azure DevOps.
Idéal pour les PME, DSI, PMO ou départements métiers.
2) SAFe
C’est l’un des cadres les plus déployés. Il en existe une déclinaison spécifique pour les portefeuilles.
Le framework SAFe est idéal pour les grandes entreprises ou les groupes multi-sites. Ainsi, toutes les équipes doivent être alignées sur des objectifs stratégiques.
SAFe (Scaled Agile Framework) Portfolio Level traite de la gestion stratégique et financière.
Il est idéal pour les grandes entreprises, ses points clés sont :
- Une gouvernance basée sur la valeur, la transparence et la prise de décision rapide
- Une intégration fluide des OKRs, et des Epics
- Présence d’un Portfolio Kanban et d’un PMO Portfolio
3) Flight Levels
Ici, c’est plus un système de pensée qu'un cadre rigide.
- Les équipes (niveau 1) travaillent au plus près de la livraison.
- Il existe un niveau intermédiaire (niveau 2) qui coordonne les flux entre équipes.
- Et un troisième niveau (niveau 3) correspond au pilotage stratégique.
Il est basé sur la fluidité de la valeur en mettant l’accent sur les interactions , la synchronisation.
Ce dernier cadre est recommandé pour les organisations complexes ayant un problème de silo.
Il permet de faire le lien entre le terrain et la stratégie.
Kanban | SAFe | Flight Levels |
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Conclusion
Étendre l’agilité à l’échelle du portefeuille est une transformation profonde de la manière de décider, et collaborer.
Cela implique d’accepter l’adaptabilité et la flexibilité.
En passant ce cap, le portefeuille peut s’adapter aux enjeux et apporter de la valeur en continu.