Une fusion-acquisition, Merger & Acquisition en anglais (M&A) est une transaction par laquelle une entreprise achète ou fusionne avec une autre entreprise.
L’idée est de pouvoir croître rapidement, d'accéder à de nouveaux marchés, de réduire les coûts par des synergies, ou de diversifier leurs activités.
Réussir un projet de fusion-acquisition représente un enjeu stratégique majeur pour la direction de l’entreprise acquéreuse.
Nous allons expliquer rapidement le concept, et détailler les caractéristiques du projet informatique associé.
À commencer par les différents types Fusions-Acquisitions, puis le déroulement des fusions et acquisitions.
Ensuite, les modèles de fusions et acquisitions et enfin, le projet du point de vue système d’information.
Les différents types de fusions-acquisitions
Parlons rapidement des différents types de fusions-acquisitions d’un point de vue juridique et financier.
1) Acquisitions de titres
C’est une approche assez simple :
Si l’entreprise cible est cotée en bourse, l’acquéreur achète ses actions sur le marché boursier sous forme de :
- Offre Publique d'Achat (OPA), où l'acquéreur propose un prix pour racheter les actions de la cible. L’OPA est obligatoire lorsque l’on franchit le seuil de détention de 30 % du capital ou des droits de vote, ou si l’on détient déjà entre 30 % et la moitié du capital, et augmente sa participation de plus de 1 % en moins d’un an.
- Offre Publique d’Échange (OPE), dans ce cas, l'acquéreur propose d'échanger ses propres actions contre celles de la cible. Cela permet de financer l'acquisition sans sortir de trésorerie, mais implique une dilution du capital pour l'acquéreur.
OPA hostile
Il est parfois mentionné le terme d’OPA hostile : cela correspond au fait d’acheter les actions de l’entreprise cible SANS l’accord de cette dernière. Cela implique souvent de proposer un prix bien au-dessus du marché.
Il s’ensuit en général un projet d’acquisition plus complexe et plus « sensible » …
2) Acquisitions d'actifs
Elle est également appelée Apports Partiels d'Actifs (APA) : Une société apporte une partie de ses actifs à une autre société en échange de nouvelles actions émises par cette dernière.
Cette opération nécessite une validation par un commissaire aux apports et peut entraîner une dilution du contrôle pour les actionnaires de la cible.
3) Fusions
Il existe plusieurs types de fusions :
- Fusion-Réunion : les deux sociétés fusionnent pour créer une nouvelle entité qui se substitue aux sociétés d'origine. Cela implique la dissolution des deux sociétés initiales.
- Fusion-Absorption : une société absorbe une autre, ce qui entraîne la dissolution de la société absorbée. Les actifs et passifs de la cible sont transférés à l'absorbante, qui émet de nouvelles actions pour rémunérer les actionnaires de la cible.
- Fusion à l'anglaise : Une forme de fusion où les actionnaires de la cible reçoivent des actions de l'acquéreur en échange de leurs actions, sans dissolution des sociétés d'origine.
4) Quelques exemples
Voici quelques exemples récents de Fusac qui se sont réalisées en France :
4.1) Veolia et Suez
En 2021, Veolia a acquis Suez, un autre géant français des services à l'environnement, pour environ 13 milliards d'euros.
Cette opération a créé un leader mondial dans le secteur de l'eau et des déchets.
4.2) Atos et Syntel
En 2018, Atos, une entreprise française spécialisée dans les services numériques, a acquis Syntel, une société américaine de services informatiques, pour environ 3,4 milliards de dollars.
Cette acquisition a permis à Atos de renforcer sa présence sur le marché nord-américain.
4.3) Dassault Systèmes et Medidata
En 2019, Dassault Systèmes, un leader français des logiciels de conception 3D et de gestion du cycle de vie des produits, a acquis Medidata Solutions, une entreprise américaine spécialisée dans les solutions technologiques pour les essais cliniques.
La transaction s'élève à environ 5,8 milliards de dollars.
Cette acquisition a permis à Dassault Systèmes de se diversifier dans le secteur des sciences de la vie.
Le déroulement d'une opération de fusion-acquisition
Le processus de fusion-acquisition est complexe.
Voici les étapes clés du déroulement d'une telle opération :
PHASE | DESCRIPTION |
---|---|
PRÉPARATION | Identification des objectifs : Définir clairement les objectifs stratégiques de l'opération, qu'il s'agisse d'extension géographique, de consolidation de marché, ou d'optimisation financière. Identifier les sociétés cibles potentielles qui correspondent aux objectifs stratégiques. Cette phase inclut une analyse approfondie des cibles potentielles. Évaluer la valeur des sociétés cibles en utilisant des méthodes de valorisation appropriées. Cette évaluation prend en compte les actifs, les passifs, les flux de trésorerie futurs, et d'autres facteurs financiers. |
NÉGOCIATION | Approche initiale : Prendre contact avec la société cible pour exprimer l'intérêt et entamer les négociations. Réaliser une due diligence approfondie pour vérifier les informations financières, opérationnelles et légales de la cible. Négocier les termes de l'acquisition, y compris le prix, la structure de la transaction et les conditions de paiement. |
FINALISATION | Accord définitif : Finaliser les termes de l'accord et signer les documents juridiques nécessaires. Cela inclut les contrats d'achat, les accords de fusion, et les autres documents légaux. Obtenir les approbations nécessaires des autorités de régulation, des actionnaires, et des autres parties prenantes. Finaliser la transaction en transférant les actifs, les passifs et les actions selon les termes de l'accord. Cela marque la fin officielle de l'opération de fusion-acquisition. |
INTÉGRATION POST-ACQUISITION | Planification de l'intégration : Développer un plan d'intégration pour combiner les opérations des deux sociétés. Exécuter le plan d'intégration en coordonnant les efforts des deux sociétés. Suivre les progrès de l'intégration et évaluer les résultats par rapport aux objectifs initiaux. Cela permet d'identifier les succès et les domaines nécessitant des améliorations. |
Les modèles de Fusion-Acquisition
Les Américains Philippe Haspeslagh and David Jemison ont construit un modèle pour les fusions et les acquisitions en 1991, qui repose sur deux variables :
- Les « besoins d’autonomie organisationnelle » des entités fusionnées
- Les « besoins d’interdépendance stratégique : le besoin de chaque entreprise de bénéficier et de valoriser les spécificités de son partenaire dans le cadre de combinaisons de ressources.
Le but étant d’exploiter les synergies en renforçant les relations entre les entités fusionnées.
Il y a 4 stratégies d’intégration suite à une acquisition, qui donnent autant différentes manières de gérer les projets d’acquisition.
Elles sont illustrées dans le schéma suivant :

1) L’intégration de préservation
On conserve l’identité de l’entité acquise en termes de culture d’entreprise et de manières de travailler (process), on favorise ici une autonomie de gestion de l’entité acquise.
L’acquéreur insuffle à cette entité des moyens financiers et l’acquéreur peut ainsi inscrire cette acquisition dans le cadre d’une stratégie de diversification.
L’acquéreur exerce surtout ici un contrôle de type financier.
2) L'approche de rationalisation
On réorganise ici les ressources des deux entités pour faire des économies de taille et en optimisant les moyens existants.
Dans le cadre d’un projet de ce type, on prend comme modèle les valeurs et les normes de l’entreprise acheteuse.
L’entreprise achetée va alors le plus souvent devoir adopter les méthodes de travail de l’entreprise qui l’acquière.
Puis elle va migrer ses Systèmes d’information vers les Systèmes d’information de l’entreprise achetée.
Ce type d’approche implique souvent de supprimer des postes en doublon et entraîne le changement des organigrammes et le reclassement de certains salariés.
3) L’approche « holding »
On a un objectif de création de valeur à travers des opérations purement financières.
Cette approche suggère de faibles besoins d’autonomie organisationnelle et de faibles besoins d’interdépendance stratégique.
4) L’approche de « symbiose »
On doit gérer deux besoins contradictoires d’autonomie et d’interdépendance stratégique.
On favorise la diversité culturelle des deux entités et on doit chercher à créer de l’innovation grâce aux qualités respectives de chaque entité.
Il faut donc prévoir ici de conserver l’identité de chaque entreprise tout en les faisant travailler ensemble pour créer de la valeur.
Progressivement, les organisations évoluent parallèlement en trouvant des synergies et de nouveaux avantages.
Les Fusion-Acquisitions d’un point de vue système d’information

Ci-après les actions entreprises par la DSI pour chaque phase :
PHASE | ACTION IT |
---|---|
PRÉPARATION |
|
NÉGOCIATION |
|
FINALISATION | |
INTÉGRATION POST-ACQUISITION |
|
Aujourd’hui, l’élément IT a de plus en plus d’importance dans une fusion acquisition, tant d’un point de vue coût que d’un point de vue succès d’intégration
En fonction de la stratégie d’intégration adoptée, la phase d’intégration IT sera différente.
Néanmoins, on peut détailler les points suivants :
1) État des lieux et plan d’intégration
Une fois l’entreprise acquise, il est fondamental d’aller le plus rapidement possible sur place pour réaliser un état des lieux détaillé.
En effet, les informations obtenues durant la phase de négociation Due Diligence ne sont en général pas toujours totalement pertinentes.
De plus, la responsabilité est maintenant de l’entreprise acquérant, tant d’un point de vue légal, contractuel que de sécurité.
Rappelons que les systèmes d’informations sont là pour aider l’entreprise à produire de la valeur.
Dans le cas d’une Fusion-Acquisition, le succès de l’intégration dépend partiellement de la bonne gestion de l’intégration informatique.
Les points importants :
- Les ressources humaines : rencontrer les personnes travaillant au département informatique et évaluer leurs compétences, leur « indispensabilité » en termes de connaissances des systèmes. Rassurer et expliquer la philosophie de l’acquisition d’un point de vue informatique
- Les licences : un point clé : d’une part, s’assurer que TOUS les logiciels ont les bonnes licences, à jour. D’autre part, étudier les possibilités de synergie avec l’utilisation de contrats cadres qui peuvent permettre une diminution de certains coûts, surtout lorsqu’une grande entreprise achète une plus petite, les prix étant négociés en plus grande quantité.
- Analyse des contrats de support et de maintenance : ladite entreprise a un mode de fonctionnement différent, et il est indispensable de comprendre rapidement qui sont les intervenants externes et comment les contacter. La rationalisation des contrats pourra se faire dans un second temps.
- Inventaire détaillé du matériel et du logiciel présent
- Cartographie de l’architecture des systèmes
Licence anti-virus
Lors de l’état des lieux d’une nouvelle filiale en Asie, je me suis aperçu que seulement une partie des licences anti-virus étaient à jour.
La personne responsable m’avait alors expliqué qu’ils avaient fait un calcul pour payer le minimum en prenant en compte le risque d’une éventuelle amende en cas d’audit !
Dans ce cas, nous avons à la fois un risque contractuel d’amende en cas d’audit, mais également un risque en matière de sécurité, l’idée d’optimiser les coûts d’antivirus créant un risque de ne pas avoir tous les équipements protégés !
2) Plan d’intégration à court-terme
Une fois les actions précédentes effectuées, nous avons maintenant toutes les informations nécessaires pour réaliser un plan d’action immédiat, pour réduire les risques de sécurité, contractuels et de continuité des Opérations.
Ce plan ne dépend pas de la stratégie d’intégration adoptée, c’est essentiellement un plan de mitigation des risques contractuels, humains et de cybersécurité.
- Achat de licences complémentaires et début de l’harmonisation de la gestion des licences.
- Augmentation de la sécurité des systèmes, si nécessaire, par l’installation de matériels plus robustes et/ou redondants.
- Mise en place d’une connexion sécure (VPN) entre la filiale et la maison-mère, si nécessaire.
- Définition d’une feuille de route pour les collaborateurs travaillant en informatique, pour maintenir la motivation, les connaissances et les expertises.
3) Plan d’intégration à moyen terme
En fonction de la stratégie d’intégration : Préservation, rationalisation, holding ou symbiose, l’approche sera différente.
Une fois les principaux risques mitigés, il faut maintenant définir un plan d’intégration des matériels et des systèmes d’information.
Il faut savoir ici aborder le sujet avec un mélange de pragmatisme, de rigueur et de standardisation.
Dans tous les cas, il est indispensable d’analyser le parc informatique et d’utiliser les avantages venant des contrats cadres existants pour optimiser les dépenses d’achats et de support :
- Ordinateurs fixes et portables
- Imprimantes
- Licences classiques pour utilisateurs finaux : bureautique, communication…
Toutefois, en fonction de la stratégie, le projet d’intégration informatique sera plus ou moins important.
3.1) Stratégie de préservation
D’un point de vue bureautique et matériel, il est généralement bénéfique de mettre à jour les équipements et suivre le standard de la maison-mère :
- Facilité pour le support
- Meilleurs prix lorsqu’il existe un accord-cadre
Microsoft vs. Google
Il peut être intéressant de maintenir les outils bureautiques de la filiale lorsque ceux-ci sont différents de ceux de la maison mère.
Un exemple classique est le choix Microsoft Office 365 vs. Google Workspace.
La question n’est pas de dire quelle est la meilleure solution, mais d’évaluer si une migration vaut réellement la peine, les facteurs financiers et techniques n’étant pas les seuls : formation, transformation des documents, philosophie d’utilisation…
Concernant les systèmes tels que les ERP, CRM et autres liés au fonctionnement des métiers, l’approche classique est de maintenir ce qui existe.
Si nécessaire, prévoir une intégration à haut niveau pour les reportings financiers mensuels et annuels.
3.2) Stratégie de rationalisation
Ici, l’idée est de réaliser des économies également dans la gestion et l’achat des outils et systèmes informatiques.
L’approche sera donc de standardiser le plus possible, pour faire des économies d'échelle grâce aux accords-cadres.
D’un point de vue système, l’idée de remplacement et de standardisation est séduisante, mais doit être analysée en se souvenant qu’il faut éviter les disruptions de systèmes d’un point de vue métier !
Il est préférable d’analyser tous les systèmes et proposer l’approche suivante :
- Remplacer le système par le standard
- Décommissionner le système
- Maintenir le système actuel, mais le migrer dans un datacenter ou dans le Cloud, pour des questions de rationalisation, de sécurité ou de coût
On ne maintiendra les systèmes actuels que s’il n’existe pas d’équivalent dans le portefeuille applicatif de l’entreprise acquérant.
Les projets d’intégration ou de migration des ERP
Le choix de migrer une entité vers l’ERP de la maison-mère est rarement un choix technique.
Il implique d’abord d’aligner les processus entre les filiales et ensuite de les mettre en place dans l’ERP.
De plus, il faut prendre en compte la formation des utilisateurs, le changement des modalités d’accès et de support.
C’est en fait un projet métier avec une composante IT.
3.3) Stratégie de symbiose
Cette approche est plus complexe et le cadrage du projet d’intégration informatique prendra plus de temps.
Dans ce cas, il sera nécessaire d’analyser les besoins de remplacement des systèmes, voire mettre à jour le standard existant par des solutions considérées comme meilleures venant de la filiale.
Il faudra prendre garde à ne pas se perdre dans l’analyse de l’architecture, du parc et du portefeuille applicatif, en essayant de constamment chercher le meilleur !
3.4) Stratégie de holding
L’approche pour une stratégie de Holding revient parfois à ne faire que le strict minimum, parfois s’arrêter au plan à court terme.
Si tout fonctionne correctement, pourquoi changer quoi que ce soit ?
Par contre, il faut garder en tête le besoin de maintenir un support utilisateur correct, ce qui implique très souvent de maintenir une partie de l’équipe technique.
On peut synthétiser les approches de la manière suivante :
Élément | Intégration de préservation | Approche de rationalisation | Approche "holding" | Approche "symbiose" |
---|---|---|---|---|
Sécurité informatique | Plan à court terme | Plan à court terme | Plan à court terme | Plan à court terme |
Licences | Plan à court terme | Plan à court terme | Plan à court terme | Plan à court terme |
Logiciels bureautiques | Au choix | Standardiser | Au choix | Au choix |
PC et ordinateurs portables | Au choix | Standardiser | Au choix | Au choix |
Imprimantes et scanners | Au choix | Standardiser | Au choix | Au choix |
Réseaux (LAN/WAN) | Au choix | Standardiser | Au choix | Au choix |
Serveurs | Au choix | Standardiser | Au choix | Au choix |
ERP | Maintenir | Standardiser | Maintenir | Maintenir |
CRM | Maintenir | Standardiser | Maintenir | Maintenir |
Applications métiers | Maintenir | Standardiser | Maintenir | Maintenir |
Systèmes de communication | Au choix | Standardiser | Au choix | Au choix |
Sites web et applications | Maintenir | Standardiser | Maintenir | Maintenir |
Analytique et BI | Maintenir | Standardiser | Maintenir | Maintenir |
Conclusion
Les fusions et acquisitions sont des processus complexes qui nécessitent une compréhension approfondie des différents types d'opérations et des étapes de leur mise en œuvre.
Les aspects financiers, juridiques, organisationnels et culturels sont les points critiques.
Très souvent, ces opérations n’obtiennent qu’un relatif succès, et il arrive même parfois qu’elles soient abandonnées.
La partie informatique est un sujet encore souvent sous-estimé en amont pendant la phase de négociation :
- Sous-estimation du budget d’intégration
- Sous-estimation de l’effort de Due Diligence
- Sous-estimation de la complexité des systèmes
Ce n’est pas en soi un facteur de succès ou d’échec, mais un catalyseur qui permet de faciliter l’intégration d’un point de vue organisationnel et d'optimiser le retour sur investissement.
Pour un chef de projet, c’est en général un excellent défi durant lequel outre le fait de toucher à tous les éléments d’une DSI, apporte une composante importante en termes de gestion du changement.
Une fusion est en même temps une période professionnelle riche pour les chefs de projet mais en même temps stressante vue la fréquence des changements qui s’opèrent sur l’organisation et les dés collatéraux que cela occasionne.
Merci Amine pour ton retour.
Moi, ce qui m’a marqué quand on a été racheté, c’est le déménagement car on avait de l’espace avant et ensuite on s’est retrouvé très serrés…
En effet, cela peut générer du stress dans un premier temps …