Obsession des processus : Comment la complexité des projets menace l’efficacité (+Astuces)

La gestion de projets est toujours associée à des méthodologies, des "frameworks", de la gouvernance.

C’est d’ailleurs une critique récurrente, certains considérant que gérer un projet consiste à suivre une méthodologie sans beaucoup de valeur ajoutée.

D’un autre côté, le monde, et le monde des affaires en particulier, devient chaque jour plus complexe : augmentation des interactions, internationalisation, approche Agile, augmentation de l’incertitude. 

Comment concilier les deux ?

Rappelons tout d’abord :

  • Ce que sont les méthodologies et les processus et à quoi ils servent
  • Les conséquences de la complexité et de l’incertitude sur le travail et les personnes

Et essayons de faire une synthèse.

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Méthodologie et processus

Découvrons en quoi consistent les méthodologies de gestion de projet et les processus, et quelle est leur utilité.

1) Soyons efficaces

Selon Infinity, l’IA générative du PMI, une méthodologie est :

"Un ensemble structuré de méthodes, de techniques et de processus utilisés pour accomplir une tâche ou atteindre un objectif spécifique.

Elle fournit un cadre systématique pour planifier, exécuter et évaluer des projets ou des activités, assurant ainsi la cohérence et l'efficacité".

De cette définition, nous pouvons extraire quelques mots clés : "structuré", "systématique", "cohérence", "efficacité".

N’en déplaise aux détracteurs des méthodologies, l’objectif principal de "suivre" une méthodologie est d’être EFFICACE.

Certains diront qu’on peut l’être sans la suivre, certes ; mais cela permet aussi d’avoir une approche systématique, cohérente et structurée.

En d’autres termes, cela permet que la manière de travailler ne dépende pas de la personne qui l’organise ou qui l’exécute, c’est une approche cohérente et systématique.

Ensuite, elle s’insère dans un contexte plus large et permet d’être structuré.

En tant que chef de projets, directeurs de programmes, responsables de portefeuilles, nous suivons donc une méthodo parce que c’est efficace. 

Aussi parce que nous n’avons pas à "réinventer la poudre" pour chaque activité, et que nous partageons les expériences du passé pour savoir efficacement comment aborder les sujets et activités.

2) Les dérives

Parfois, et nous l’avons tous rencontré, nous sommes face à un excès de règles et processus, ou à des méthodes obsolètes.

Cela peut également mener à scope creep, où les tâches s'accumulent sans que les objectifs initiaux ne soient redéfinis 

Des processus qui n’ont pas ou plus de sens, des choses difficilement explicables.

Nous allons alors à contre-courant de l’objectif décrit ci-dessus qui est l’efficacité.

Pourquoi en arriver là ?

  • Une absence de description claire, ou une mauvaise description des processus.
  • Un manque de mise à jour des méthodologies.
  • Une réticence à mettre à jour des choses qui ont fait leurs preuves.
  • Une culture qui donne peu de place à l’initiative.

Une remise en question est alors nécessaire :

Les processus et la méthodologie deviennent contre-productifs, l’efficacité de l’entreprise est en jeu.

3) Méthodologie et principes

Lorsque l’on met en place une méthodologie, que l’on décrit des processus, il faut faire preuve d’humilité :

Il ne sera pas possible de prendre en compte TOUS les cas de figure.

Les principaux flux de travail et d’approbation de l’entreprise doivent être étudiés et analysés, et ensuite documentés. Il n’est pas nécessaire de penser à TOUT.

C’est alors que rentre en jeu l’idée de principes :

Des processus doivent être basés sur des principes.

Dans le cas où on n’aurait pas de processus détaillé pour une activité, une décision, celle-ci doit être traitée en faisant référence aux principes.

Quelques exemples de principes :

  • Transparence : toute action, décision doit pouvoir être expliquée et partagée par tous (maintenant les bons niveaux de confidentialité).
  • Alignement aux valeurs de l’entreprise : en cas de doute, il faut se référer aux valeurs de l’entreprise et les suivre.
  • Éthique, légalité : évident, mais à rappeler : dans certains cas, le critère de décision doit suivre ce que la loi et l’éthique demandent, la partie financière passant en second plan.

Attention aux points hors de la courbe !

Parfois, on se trouve confronté à une situation où le processus n’a pas fonctionné.

Il est alors souvent tentant de se dire qu’il faut mettre à jour le processus, pour être plus efficace, prendre en compte plus de cas de figures.

ATTENTION :

La première chose à faire est de définir si :

  • Nous sommes face à une exception : dans ce cas, inutile de mettre à jour le processus, il suffit de suivre les principes et traiter la chose comme une exception.
  • Est-ce que le processus n’a pas donné le bon résultat, ou est-ce qu’il n’a pas été correctement suivi ? Dans le second cas, la réponse doit être pédagogique ! 
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Complexité et incertitude

Par les temps actuels, le mot " incertitude " revient de plus en plus souvent, qu’elle soit géopolitique, politique, économique ou même climatique.

De même, les concepts VUCA (Volatil, Uncertain, Complex, Ambiguous) ou BANI (Brittle = fragile, Anxious, Non-Linear, Incomprehensible) sont de plus en plus évoqués.

Plus particulièrement en Occident, les décennies de stabilité et de "confort" sont maintenant révolues, et les populations doivent faire face à un monde plus instable.

1) Les conséquences psychologiques

Comme l’indiquent les termes VUCA et BANI, tout ceci crée de l’anxiété, voire de la peur.

L’être humain ne se sent pas confortable face à l’inconnu, à l’imprévisible.

Il existe un besoin de diminuer les " zones de gris ", tenter de diminuer le "non contrôlable".

Un contexte d’incertitude augmente l’exposition aux risques.

Dans des sociétés, comme la France, où l’appétence aux risques est faible, la peur de commettre des erreurs augmente également en conséquence.

Face à une menace, il y a 3 attitudes : l’attaque, la fuite ou la paralysie.

D’un point de vue professionnel, on peut décliner ces attitudes de la manière suivante :

  1. L'attaque : je retrousse mes manches et je m’y mets.
  2. La fuite : je refuse d’accepter la réalité, je me concentre sur ce que je sais faire et j’évite les situations inconfortables.
  3. La paralysie : je ne sais pas quoi faire … "à l’aide !"

Chacun, en fonction de sa personnalité, du contexte, réagira différemment.

2) L’impact sur le travail

Les organisations réagissent comme les humains :

L’incertitude n’est pas bonne pour les affaires.

Il est notoire que c’est l’incertitude qui secoue les bourses de valeurs, plus, souvent, que des nouvelles négatives. 

De plus, les entreprises étant composées de personnes, elles doivent gérer à la fois la complexité externe, et aider leurs membres à affronter au mieux la situation.

En conséquence de tout ceci, l’approche "logique" est donc de continuer à structurer le travail.

Face à une augmentation de l’imprévu, de l’incompréhensible, de l’imprévisible, la tendance est donc à donner un cadre, à vouloir ajouter toujours plus de processus pour faire face à toutes les situations. 

L’idée est de vouloir rassurer les membres de l’organisation en leur fournissant des règles, des guides pour faire face à toutes les situations.

Il faut donc aider les personnes à continuer à travailler, à performer.

Trouver des "solutions" pour les comportements cités plus haut.

La conséquence est donc souvent une augmentation de la quantité de règles, processus et autres checklists pour le travail quotidien.

Si pour chaque situation, je fournis à mon employé un processus, une règle, je diminue ainsi l’incertitude, l’anxiété, et je l’aide à travailler de manière plus sereine et productive !

3) Le résultat

L’augmentation de la complexité et de l’incertitude externes a en général comme résultat une augmentation de la quantité de processus et procédures internes.

À première vue, cela peut rassurer.

Néanmoins, cela comporte des effets collatéraux :

  • Plus de temps pour réaliser les activités du fait des procédures à suivre
  • Plus de temps de formation et de "digestion" pour comprendre et connaître les processus et procédures
  • Parfois un environnement anxiogène pour les personnes, qui se trouvent un peu perdues devant tant de procédures à choisir et à suivre
  • Une diminution de l’autonomie de chacun, tout étant codifié.

Comment y voir plus clair ?

On voit bien que tout cela est contre-productif.

La complexité externe existe toujours, et la complexité interne a augmenté ! 

Les personnes se sentent toujours dans un environnement anxiogène.

La cause de l’anxiété a changé, mais la dose a même augmenté !

Enfin, et c’est là où l’on trouve l’impact le plus négatif :

L’inflation des règles, des processus, augmente le temps nécessaire pour réaliser les activités, pour obtenir les approbations : on perd donc en efficacité.

Rappelons-nous !

L’un des objectifs des méthodologies et des processus est d’être EFFICACE.

Que peut-on faire ?

1) Adapter la gouvernance

Face à la complexité, il faut d’abord de la lucidité.

Il est évident qu’une revue complète des processus est nécessaire, pas dans l’objectif d’en augmenter la quantité, mais plutôt de les optimiser, de les mettre à jour.

Il faut insister sur la robustesse des procédures, leur clarté et leur simplicité.

En gardant en tête que tous les cas de figures ne seront pas pris en compte. 

En cas d’exception, de particularité, on se basera alors sur des principes, qui sont à la base des procédures.

De plus, afin d’augmenter la transparence et la compréhension, il est important d’avoir un référent, un responsable de chaque procédure, qui puisse expliquer la procédure en question, et orienter, en se basant sur les principes, en cas de doute.

Il est important de fournir également de la formation, des références, de la documentation, pour que chacun puisse se mettre à jour rapidement.

Complexité réglementaire :

Dans ce cas, inutile de dire que les procédures doivent être mises à jour, et même augmentées en complexité et quantité, si nécessaire.

Néanmoins, l’approche devrait être d’automatiser, de numériser au maximum : les systèmes bien conçus ne commettent pas d’erreurs ! 

Cela soulage ainsi l’humain qui se concentre sur la valeur ajoutée et non sur des vérifications fastidieuses et sujettes à erreur. 

On ne diminue pas la complexité par la création d’un autre type de complexité, c’est un non-sens.

L’approche doit être différente.

2) Changer d’état d’esprit

Comme expliqué plus haut, la tendance initiale était un peu de "noyer" les personnes sous des quantités de règles et procédures.

En fait, il faut faire l’inverse.

Cela implique un changement d’état d’esprit :

  • Avoir une profonde compréhension de ce que l’on fait.
  • Accepter de ne pas tout savoir et de demander de l’aide et du support.
  • Avoir plus d’autonomie pour prendre des décisions.

D’un point de vue managérial, cela implique un changement profond : 

Le manager n’est plus là pour vérifier que le travail est bien fait, et que les procédures ont été suivies ; il est là pour guider, aider lorsque les sujets sont plus complexes.

On pourrait dire "raise the bar" (= augmenter l’exigence), tant pour le manager que pour l’équipe :

Finie la routine, le petit travail tranquille. Il faut constamment être en alerte, penser à ce que l’on fait et démystifier et simplifier la complexité ambiante.

Citons l’empereur romain Marc-Aurèle :

" Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être, mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre ".

3) Être Agile ?

L’approche Agile (ou Scrum) peut être considérée comme une méthodologie de gestion de projets. 

C’est plus que cela :

C’est une façon d’aborder le travail, le monde.

Cela fournit un cadre très utile pour faire face à la complexité. 

Rappelons le Manifeste Agile :

  1. Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils.
  2. Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive.
  3. La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle.
  4. L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.

Pour le sujet présent, nous pouvons donc tirer profit du principe #1 et #4.

  • Ne pas se "cacher", se protéger derrière les procédures. Plutôt les suivre tout en interagissant avec les équipes, pour chercher des solutions efficaces.
  • Le plan initial est une structure qui permet d’y voir plus clair. Comme le dit le proverbe, "il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis". En fonction des circonstances, de nouveaux faits ou de nouvelles informations, on s’adapte.

Conclusion

L’augmentation de la complexité, de l’incertitude est un fait. Et ne va sans doute pas diminuer de sitôt.

Rappelant que l’objectif ultime reste de livrer des produits et services en maintenant Qualité, Délais et Coûts, il est évidemment nécessaire de structurer, voire codifier le travail.

Pour le bien de tous, pour profiter des retours d’expériences, pour être efficace.

Néanmoins, arrivé à un certain point, l’excès de procédures ralentit le travail, le complexifie et devient anxiogène.

La solution est d’avoir des procédures robustes et claires, des principes associés pour gérer les cas particuliers, et surtout des personnes formées et ayant un état d’esprit constamment en alerte.

C’est un peu passer d’une armée conventionnelle à l’utilisation de Forces Spéciales :

Moins de procédures, mais des procédures robustes. Plus d'entraînement, des équipes soudées, préparées psychologiquement à "presque" tout.

Christophe Delalande

A propos de l'auteur

Passionné par la gestion de projet depuis sa certification PMP en 2005, Christophe a géré des projets, des programmes et des portefeuilles, réalisé des intégrations de systèmes informatiques en contexte international sur les 4 continents, et plus particulièrement en Amérique du Sud.
Il travaille quotidiennement en Anglais, Espagnol, Français et Portugais.
Également certifié PMI-RMP et PMI-ACP, il continue à se mettre à jour d’un point de vue technique et méthodologique.
Il est également ceinture noire de Karaté Shotokan. En savoir plus sur Christophe et ses publications

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