Comment gérer les priorités conflictuelles dans une gestion multi projets ?

Dans un contexte idéal, les projets et programmes font partie de portefeuilles.

Ils sont alignés avec les directions stratégiques de l’entreprise et sont correctement priorisés, séquencés, approuvés et organisés en Roadmap.

Dans « la vraie vie », ce n’est pas toujours le cas. 

Pour de nombreuses bonnes et mauvaises raisons, de nombreux projets sont exécutés en parallèle, sans priorisation claire.

Cela va immanquablement créer des conflits concernant l’utilisation des ressources, des arbitrages à effectuer et très souvent des mises à jour des plannings.

Nous allons donc aborder les défis de la gestion multi-projets et la méthodologie permettant de réduire les conflits.

Nous verrons ensuite les stratégies et l’état d’esprit à adopter, ainsi que quelques outils utiles.

Les défis de la gestion multi-projets

Que cela soit avec le même chef de projets, ou plusieurs, avec ou sans PMO, la multiplicité des projets crée un contexte complexe avec plusieurs défis.

le guide de la gestion de projets simultanée

1) Conflits de priorités

Lorsque plusieurs projets sont en cours, il est fréquent que les priorités se chevauchent, créant des tensions entre les équipes et les gestionnaires de projets.

De plus, les priorités de chaque projet ne sont pas toujours clairement définies.

2) Ressources partagées

Aujourd’hui, sauf pour les mégaprojets, il est rare d’avoir toutes les ressources de l’équipe dédiées au projet.

Elles participent généralement à plusieurs projets en même temps. 

Chaque projet ayant sa dynamique propre.

Cela crée immanquablement des moments de sur-allocation, avec parfois des conflits de priorités entre projets.

3) Communication et coordination

Plus il y a d’intervenants, d’équipes, plus la communication devient complexe.

La quantité d’interactions augmente rapidement, et pas l’efficacité, comme nous le rappelle la loi de Brooks.

Le risque de malentendu, de manque ou d’excès de communication augmente donc, rendant le contexte encore plus complexe.

4) Accès aux ressources technologiques 

Que cela soit dans le cas d’un projet de développement logiciel, un déploiement de système, une construction, il y aura toujours une limite « physique » :

  • Construction : Il est difficile de faire travailler plusieurs artisans en même temps pour la construction d’une maison.
  • Gestion des plateformes : Les accès aux plateformes de tests ou de développement doivent être correctement gérés pour éviter que la modification venant d’un projet impacte un autre.
  • Intégration et tests : Pour chaque nouvelle fonctionnalité sur un système, il est nécessaire de réaliser des tests de régression et d’intégration, ce qui empêche souvent l’exécution de plusieurs projets différents en même temps sur un seul système.

C’est très souvent un sujet sous-estimé qui augmente, en fait, beaucoup les contraintes de planning sur les projets.

La théorie « méthodologique »

Heureusement, nous avons des solutions pour améliorer ce genre de situation.

Il existe une abondante littérature méthodologique dans ce sens, et il est intéressant de mieux la comprendre.

Voici les principaux éléments que nous pouvons étudier et mettre en œuvre.

1) La gestion par Programme

Une première approche et d'essayer de regrouper les projets par programme quand cela est cohérent.

Pour rappel, selon la 7ᵉ édition du PMBoK® du PMI, un Programme est « un ensemble de projets, programmes subsidiaires et activités de programme apparentées dont le management est coordonné afin d’obtenir des bénéfices qui ne pourraient être obtenus en les traitant séparément ».

Vous n’avez rien compris ?

À vrai dire, à la première lecture, moi non plus !

Reformulons-le sous d’autres termes :

« Contrairement à une simple collection de projets, un programme est structuré de manière à maximiser les synergies et à minimiser les conflits entre les projets »

« Conflit entre les projets », c’est une bonne description de notre problématique, non ?

Donc, dans la pratique, regrouper certains projets sous forme de programme permet d’améliorer : 

Quelques exemples de programmes pour mieux comprendre :

  • Fusions et acquisitions : Un programme de fusion et acquisition contiendra des projets tels que l'intégration des systèmes informatiques, la consolidation des opérations et la gestion du changement organisationnel.
  • Réduction des coûts : Un programme de réduction des coûts contiendra des projets de réingénierie des processus, de négociation de nouveaux contrats avec les fournisseurs, et de mise en œuvre de nouvelles technologies pour améliorer l'efficacité.
  • Implémentation de CRM : Un programme d'implémentation de CRM (Customer Relationship Management) contiendra des projets de mise en place d’infrastructure (on-premise ou cloud), de développement de logiciels, de formation des employés, et de migration des données clients.

2) La gestion par portefeuille

Parlons maintenant de portefeuille de projet. 

Selon le PMI, la définition est : « Projets, programmes, portefeuilles subsidiaires et opérations gérés en tant qu’ensemble afin d’atteindre des objectifs stratégiques ».

Ici, le mot clé, c'est « ensemble » ! 

Attention, contrairement à un programme, un portefeuille n'implique pas nécessairement que les projets soient interconnectés et interdépendants.

Mais ils sont alignés sur les objectifs stratégiques de l'organisation.

Ici, nous allons donner de l’importance à :

Quelques exemples de portefeuilles pour mieux comprendre :

  • Développement de produits : Un portefeuille de projets de développement de produits comprendra des projets de recherche et développement, de tests de marché, et de lancement de nouveaux produits.
  • Transformation digitale : Un portefeuille de projets de transformation digitale comprendra des projets de mise en œuvre de nouvelles technologies, formation des employés et migration des systèmes existants vers des plateformes numériques.
  • Expansion internationale : Un portefeuille de projets d'expansion internationale comprendra des projets d'ouverture de nouvelles filiales, de conformité réglementaire, et de développement de partenariats locaux.

3) La présence d’un Bureau de Projet – Project Management Office - PMO 

En parallèle avec une mise en place de structures Programme/Portefeuille, il y a la création d’un Bureau de Gestion de Projets ou PMO (Project Management Office).

Cela permet d’avoir une vision globale des différents projets, centraliser certaines informations et augmenter en efficacité et en synergie.

Guide pratique du pmo 0923
Guide Pratique Roadmap PMO

Les principaux avantages du PMO sont alors :

  • La gestion des ressources : optimiser l'allocation des ressources à travers les projets pour éviter les conflits et maximiser l'utilisation des compétences disponibles.
  • Le suivi et le contrôle : mettre en place des mécanismes de suivi et de contrôle pour surveiller les progrès des projets. Ensuite, identifier les écarts et prendre des mesures correctives en temps opportun.
  • La gestion des risques : identifier, évaluer et gérer les risques à travers les projets. Cela réduit ainsi les incertitudes et augmentant les chances de succès.
  • La communication et le reporting : assurer une communication efficace entre les parties prenantes. Ensuite, fournir des rapports réguliers sur l'état des projets, facilitant ainsi la prise de décision éclairée.

Les stratégies et l'état d’esprit pour gérer les priorités conflictuelles

En fait, les éléments ci-dessus ne sont pas du ressort du chef de projet qui cherche à améliorer sa pratique.

Ce sont des éléments d’organisation et de gouvernance qui doivent venir de l’entreprise.

Chaque chef de projet doit donc garder en tête les points clés pour appréhender au mieux les risques de priorités conflictuelles entre projets.

1) Établir des priorités claires

Le premier point est d’avoir une vision claire des priorités et de savoir, dans la liste des projets, quels sont les éléments les plus importants et pourquoi :

  • Quels sont les critères de priorisation des projets, tels que le retour sur investissement, les délais critiques et les ressources disponibles.
  • Quels projets ont le plus grand impact sur les objectifs stratégiques de l'organisation ?

Ensuite, il s'agit de confirmer cette liste de priorités et de garantir que toutes les parties prenantes comprennent et acceptent les priorités établies.

C’est un point d’entrée pour toute décision qui doit arbitrer entre plusieurs projets.

2) Optimiser l'utilisation des ressources

Tout d’abord, chaque projet devra avoir un plan de charge des ressources détaillé.

Ensuite, il sera nécessaire de consolider ces plans à un plus haut niveau pour avoir une vision globale et ainsi mieux accompagner les éventuels goulots d’étranglement.

Par la suite, idéalement, ce plan de charge devra être remis à jour régulièrement par une saisie des temps réelle.

Enfin, pour gérer les éventuels conflits, les surcharges, il faudra être prêt à ajuster les plans de charge et les plannings de chaque projet, en fonction des priorités définies antérieurement.

3) Améliorer la communication et la collaboration

Même avec des sources d’informations fiables, des outils d'optimisation, une bonne gouvernance, il faut garder à l’esprit que la gestion de projet est une aventure humaine.

Pour cela : 

  • Organisez des réunions régulières avec les équipes de projet pour discuter des progrès, des défis et des priorités. 
  • Ayez des revues de programme, de portefeuille fréquentes. Cela pour permettre aux chefs de projet d’échanger des informations, remonter des problèmes et partager des expériences. Cela permettra aussi de créer de la synergie entre les différents projets.

4) Gérer le stress et prévenir le burnout

Il faut également dissocier les conflits « réels » que l’on peut expliquer de manière factuelle, des autres problèmes plus subjectifs liés aux relations humaines, à la communication.

Des équipes projets fréquemment en surcharge, en risque de burn-out auront plus de mal à gérer de manière sereine et efficace les inévitables conflits dans un contexte multi projet.

Assurez-vous donc de :

Les outils

Nous avons parlé de l’apport méthodologique, de l’état d’esprit à avoir face à ces situations complexes.

Parlons maintenant des outils que, concrètement, nous pouvons utiliser :

1) D’une manière générale

Il y a les outils de collaboration pour faciliter la communication entre les équipes dispersées.

Ces outils permettent de partager des informations en temps réel et de résoudre rapidement certains problèmes.

2) Au niveau projet

Logiciels de Gestion de Projets : Utilisez des outils comme ProjectChef, Asana, ou Trello pour suivre l'avancement des projets et gérer les ressources. Ces outils permettent de visualiser les dépendances et les conflits potentiels.

projectchef : logiciel de gestion projet

Tableaux de bord : Créez des tableaux de bord pour surveiller les indicateurs clés de performance (KPI) et les progrès des projets. Cela aide à identifier rapidement les problèmes et à ajuster les priorités en conséquence.

Notez qu’il est important que tous les projets utilisent les mêmes outils pour faciliter la lecture et l’interprétation.

3) Au niveau Programme, Portefeuille, PMO

On peut se tourner vers : 

  • Un outil de plan de charge et de suivi des temps centralisé
  • Un registre des risques et de problèmes majeurs centralisés.
  • Une gestion de demande de changement centralisée.
  • Un tableau de bord synthétique de l’ensemble des projets

En fait, ceci peut être mis en place grâce à un outil de PPM (Project and Portfolio Management).

Il fournira l’essentiel des informations nécessaires pour prendre les bonnes décisions, réduire les conflits et optimiser la livraison de valeur.

Un mot sur la Gestion des modifications des systèmes et logiciels

Une difficulté qui revient souvent est liée à l’accès et à la priorisation des changements dans les logiciels et systèmes existants :

Les améliorations doivent être scrupuleusement testées pour ne pas porter préjudice au système déjà en fonctionnement.

De plus, dans le cas de plusieurs projets sur le même système, cela doit être correctement testé et mis en production.

Il faudra donc avoir en place une Configuration Management Database (CMDB) qui apportera les avantages suivants :

Conclusion

Gérer les priorités conflictuelles dans un contexte multi-projets est un défi complexe, et au fond de plus en plus courant.

Avec le bon état d’esprit, la bonne stratégie, quelques outils, il est possible de naviguer efficacement dans cet environnement. 

Établissez des priorités claires, utilisez des outils de gestion de projets, pensez à optimiser l'utilisation des ressources, sans oublier d’améliorer la communication et de gérer le stress.

Ainsi, vous augmentez les chances de succès de leurs projets et maintiendrez la satisfaction des équipes.

Christophe Delalande

A propos de l'auteur

Passionné par la gestion de projet depuis sa certification PMP en 2005, Christophe a géré des projets, des programmes et des portefeuilles, réalisé des intégrations de systèmes informatiques en contexte international sur les 4 continents, et plus particulièrement en Amérique du Sud.
Il travaille quotidiennement en Anglais, Espagnol, Français et Portugais.
Également certifié PMI-RMP et PMI-ACP, il continue à se mettre à jour d’un point de vue technique et méthodologique.
Il est également ceinture noire de Karaté Shotokan. En savoir plus sur Christophe et ses publications

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