Vous avez réuni tous vos contrats d’achats de biens et services, vous avez un planning avec les principaux livrables.
La prochaine étape est de travailler sur l’échéancier financier, afin d’avoir une vue précise du flux de trésorerie de votre projet.
Nous allons d’abord expliquer comment, à partir des devis, bon de commandes et autres contrats, élaborer un planning financier rigoureux et détaillé.
Ensuite, nous aborderons la question des taxes et impôts qui peuvent affecter la gestion du projet.
Puis, dans le cas de projets internationaux, comment gérer au mieux les taux de change.
Enfin, nous finirons par un cas d’usage pour maitriser votre planification budgétaire.
Suivi des contrats de prestation de services dans le budget
Avant d’élaborer une planification budgétaire efficace, il est essentiel de maîtriser plusieurs éléments clés.
Une compréhension approfondie des aspects détaillés dans cet article vous permettra d’anticiper les variations de flux de trésorerie, de gérer efficacement les contrats, les taxes, et les éventuels impacts de taux de change.
Nous commençons par les contrats de prestations de services.
Nous parlons ici du fameux SOW (Scope Of Work).
Pour simplifier, nous avons principalement deux types de contrat :
- Le forfait
- Et la régie
Nous laisserons de côté ici les contrats comportant des « primes d’incitation ».
1) Contrats en régie
Dans le cas de régie, c’est assez simple :
Le fournisseur envoie chaque mois un détail des heures exécutées ; le rapport est vérifié et validé et la facture est payée.
- Assurez-vous dès le départ qu’il y a un système de contrôle des heures passées correct pour éviter discussions et litiges mensuels.
- Pensez à informer la catégorie des heures (CAPEX/OPEX) si nécessaire.
Une fois le décompte des heures validé, la facture est acceptée et la dépense est mise à jour dans le planning financier du projet.
Une planification précise des temps passés contribue également à améliorer la gestion des ressources et à anticiper les ajustements nécessaires au bon déroulement des projets.
Deux points d’attention :
- Assurez-vous que les éventuels litiges concernant le décompte des heures sont pris en compte : paiement partiel et complément une fois le litige résolu par exemple.
- Le taux horaire ou journalier de tous les types d’intervenants doit être clairement défini dans le bon de commande.
Affectation multi-activité :
Il arrive parfois que des ressources soient affectées sur plusieurs activités, par l’intermédiaire de plusieurs contrats.
Dans ce cas, il est indispensable qu’il y ait un effort de transparence du côté du fournisseur et un contrôle minutieux du côté du client.
Qui n’a jamais eu l’impression que certaines ressources étaient facturées deux fois, une fois sur un projet, une fois en support (RUN) ?
2) Contrats au forfait
Théoriquement, dans un contrat au forfait, la quantité d’heures n'apparaît pas.
C’est en fait le fournisseur qui prend en compte le risque de dépassement, ou au contraire l’opportunité de livrer plus efficacement.
Pour le fournisseur, il est intéressant de proposer des paiements échelonnés, répartis linéairement dans le temps.
En général, la première valeur est plus élevée, ce qui permet la mise en place de l’équipe.
Autant la première échéance plus « élevée » (de 25 à 40%) peut avoir du sens, facilitant le partenariat.
Autant il faudrait négocier des jalons de paiement liés à des livrables du projet et non de manière calendaire.
En cas de problème, de retard, le paiement par livraison crée une pression qui incite à l’obtention de résultats.
Il est aussi important de s’assurer que les livrables contribuent aux bénéfices attendus, en lien avec la valeur visée par le projet.
Contrat de développement de software :
Il peut être envisagé de lier la dernière prestation à une confirmation de bon fonctionnement du système, après quelques mois de fonctionnement.
Cela permet de se prémunir contre tout défaut de « fabrication » non détectable à la mise en service.
3) Frais de déplacement
Un autre point qui peut impacter certains projets est la gestion des frais de déplacement.
En fonction de la configuration des équipes et la multiplicité des lieux de travail, cela peut représenter une partie non négligeable du budget.
Quelques bonnes pratiques :
- Au départ, estimez la valeur des frais de déplacement avec des suppositions simples et claires : coût journalier, coût des transports, en utilisant si possible des sources officielles
- Répartissez ces dépenses en fonction de la dynamique du projet : réunion de lancement, atelier, tests, lancement…
- Pensez à définir des règles précises concernant ces dépenses. Le sujet peut devenir rapidement délicat, et est fortement lié à la gestion des ressources humaines.
Intégrer les factures de livraison de biens dans la planification budgétaire
Le bon de commande contient les termes de paiement liés à la livraison de biens. Ces détails doivent être inclus dans le planning financier.
Comme il a été expliqué dans l’article concernant le processus d’achat, il est indispensable de contrôler méticuleusement la réception des biens.
Ceci fait, la facture est validée et la dépense considérée comme réalisée.
1) CAPEX vs OPEX
Très souvent, les biens acquis sont classifiés comme investissements (CAPEX) et non dépenses opérationnelles (OPEX).
Vérifiez les règles à appliquer dès le début du projet auprès du département financier.
Suivi des factures : à l’approbation ou au paiement ?
Vous recevez un bien ou un service, vous en validez la réception. D’un point de vue projet, c’est ok.
Maintenant, d’un point de vue financier, le paiement se fera souvent plus tard, à 30 jours ou à 60 jours.
La question qui se pose souvent est de savoir si l’échéancier financier doit se faire en fonction des paiements ou des réceptions.
Là encore, la suggestion est de simplifier la vie du chef de projet : à la livraison.
Une fois que le chef de projet a validé la réception, il considère la dépense comme effectuée.
Les délais de paiement, les éventuels retards devraient être gérés par le département financier.
Prendre en compte les impôts et taxes
En fonction des pays, un ou plusieurs impôts ou taxes peuvent être appliqués sur le prix de biens et services.
L’impôt de base est la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée, VAT en anglais : Value Added Tax).
1) La gestion de la TVA/VAT
La première chose à faire est de savoir si la TVA doit être payée ou pas dans le cadre du projet.
En fonction des habitudes du pays, du fonctionnement de l’entreprise, les devis et bons de commande pourront être exprimés H.T. (Hors Taxe).
La TVA est gérée par le département finance, ou TTC (Toutes Taxes Comprises).
L’important est de confirmer le mode de fonctionnement dès le début du projet !
La seconde chose est de confirmer quelle est la valeur de cette taxe.
En France, par exemple, en fonction des cas, elle peut varier de 2,1% à 20%.
2) Les autres taxes et impôts
En fonction des pays, des circonstances, d’autres taxes et impôts peuvent impacter sur un coût de bien ou de service.
Ici encore, l’important est de bien définir et confirmer les règles dès le départ : valeur, calcul, qui paye, et éventuellement quand cela est payé.
En France, la taxe principale est la TVA.
Certains pays sont plus complexes et possèdent plusieurs taxes sur les Services :
Pays | Nom de la taxe | Valeur de la taxe (%) |
---|---|---|
Inde | GST (Goods and Services Tax) | 5%, 12%, 18% en fonction du type de service |
Brésil | ISS (Imposto Sobre Serviços) | 2% à 5% |
Cell | PIS (Programa de Integração Social) | 1.65% à 2.1% |
Cell | COFINS (Contribuição para o Financiamento da Seguridade Social) | 3% à 7.6% |
Canada | GST (Goods and Services Tax) | 5% |
Cell | PST (Provincial Sales Tax) | 6% à 10% |
Cell | HST (Harmonized Sales Tax) | 13% à 15% |
Il faut donc vérifier scrupuleusement cette partie dans le cas de projets internationaux, pour éviter des dépassements de budget du fait d’un oubli.
Notez également que les 3 exemples sont des pays « fédéraux », ce qui implique que chaque État du pays en question peut avoir un fonctionnement et des valeurs différentes !
3) Le cas des importations de prestations de services
Nous ne rentrerons pas dans le sujet complexe des importations de biens, qui demandent très souvent une expertise en matière de Douane.
Cependant, un point important à prendre en compte est « l’importation de services ».
En d’autres termes, le fait de réaliser une prestation dans un pays pour un projet d’un autre pays. Nous parlons ici de prestations facturées à partir d’un autre pays.
En plus de la complexité organisationnelle, vous aurez sans doute à gérer des impôts supplémentaires et des taux de change.
Voyons la première partie.
Pour des raisons de « protectionnisme », dans certains pays, plusieurs impôts peuvent s’appliquer sur l’importation de services.
Ces impôts « en cascade » peuvent augmenter considérablement la facture !
- Vérifiez dès le départ les conditions dans lesquelles se facture ce genre de prestations.
- Validez le type d’impôts et de taxes qui s’appliquent. Confirmez les valeurs !
- Confirmez ensuite avec le Département finance comment gérer ces impôts, s’ils doivent faire partie du budget projet ou pas.
N’oubliez pas les fluctuations de taux de change !
Quand vous travaillez dans un seul pays, ou dans la Communauté européenne par exemple, le sujet n’existe pas : vous avez une monnaie et tout est stable.
Lorsque vous commencez à gérer des projets dont certaines parties demandent des biens ou des services venant de l’étranger, et facturés dans d’autres monnaies, tout se complique !
Un autre cas courant, est de gérer un projet dans une seule monnaie, mais qui est différente de la monnaie de « reporting ».
Le cas classique étant une gestion en Euros et le reporting en USD (ou inversement). Dans ces cas-là, il faut tenir compte des variations de taux de change.
1) Quel taux de change utiliser ?
Lorsque l’on a affaire à des taux de change fluctuants, ou si l’on parle de projets de longue durée (> 1 an), il est important, dès le début, de définir les règles.
Quel taux de change utiliser, et comment.
En effet, tous les mois, vous aurez à mettre à jour votre bilan financier, convertir des valeurs de factures, réaliser des rapports, etc.
Quelques possibilités :
- Prendre le taux de change d’un organisme officiel (banque centrale, journal économique…)
- Prendre le taux de change du département finance ou achats
- Prendre le taux de change utilisé au début du projet pour les approbations financières
Méthode | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Taux de change d’un organisme officiel |
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Taux de change interne (département finance ou achat) |
|
|
Taux de change utilisé au début du projet pour les approbations financières |
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Il est à noter que seule la troisième approche permet de supprimer le risque d’impact de la fluctuation des taux de change sur le budget financier du projet.
Les valeurs étant converties avec le taux de change du dossier d’approbation du projet, il n’y aura pas de surprise.
Néanmoins, il ne faut pas oublier, au début du projet, de confirmer que le risque associé au change est pris en compte par l’entreprise.
Qui devrait s’occuper du risque lié à la variation du taux de change ?
Le chef de projet a déjà beaucoup à faire avec son projet !
Les risques liés aux fluctuations de taux de change sont d’ordre financier et devraient être de la responsabilité du département financier.
Il existe de nombreuses méthodes et produits financiers qui permettent de le faire, et dont la description sort du thème de cet article.
Néanmoins, lorsque ce n’est pas possible, ce risque devrait être pris en compte dans la réserve pour imprévus (Contingency Reserve). En effet, ce risque est un risque identifiable et quantifiable.
Cas pratique
Prenons l’exemple d’une planification budgétaire pour une prestation de services au forfait dans un développement d’application au Brésil.
Voici le lien pour télécharger gratuitement ce cas pratique :
Télécharger ce cas pratique
Description du projet :
- Prestation au forfait
- Projet facturé dans une devise et reporting dans une autre avec impôts inclus
- Projet réalisé au et pour le Brésil avec une taxe sur les services de 15,9 %
- Le projet est facturé en R$, et le reporting est fait en $
- Résumé financier du projet
- Coût du Projet (Hors Taxe) : 411.135,19 $
- Déplacements estimés : 45.000,00 $
- Taxes : 65.409,87 $
- Taux de change fixe = 4 R$, 1940 pour 1 $
Conditions de paiement | Pourcentage | Valeur USD | Valeur R$ |
---|---|---|---|
Acceptation du devis | 25% | $119.136,27 | R$499.657,50 |
Acceptation Livrable 1 | 15% | $71.481,76 | R$299.794,50 |
Acceptation Livrable 2 | 15% | $71.481,76 | R$299.794,50 |
Acceptation Livrable 3 | 15% | $71.481,76 | R$299.794,50 |
Acceptation Livrable 4 | 15% | $71.481,76 | R$299.794,50 |
Acceptation Finale | 15% | $71.481,76 | R$299.794,50 |
Cell | $476.545,06 | R$1.998.630,00 |
Le chef de projet pourra préparer le planning financier suivant en fonction des dates estimées des livraisons :
Dans la réalité, nous avons quelques changements :
- Le livrable 2 est retardé, le paiement associé est donc retardé également
- Les frais de déplacements étaient estimés. D’une part, les valeurs réelles sont différentes de celles estimées ; d’autre part, il y a un léger dépassement.
Nous aurons donc un réalisé financier comme ci-dessous :
Conclusion
Nous avons développé ici les bases de la construction d’un échéancier financier pour un projet.
Il existe de nombreux cas plus complexes.
Il est possible de « jongler » avec plusieurs monnaies, inclure le risque de change dans le projet, gérer les taxes et impôts, faire un suivi du paiement des fournisseurs.
Le point essentiel est d’étudier en détail dès le début du projet tous ces facteurs, définir des règles claires et simples et les suivre.
Pour rappel :
- Confirmer les échéanciers de paiement, calendaires ou par événements, en fonction des bons de commande
- Confirmer les taxes et impôts qui peuvent être appliqués sur les biens et services à acquérir, ainsi que leurs valeurs
- Confirmer avec le département finance comment gérer les taxes, en utilisant les coûts H.T. ou T.T.C
- Confirmer la gestion et l’utilisation des taux de change dans le projet si nécessaire