Suivi des temps en gestion projet : Bonnes pratiques

Un projet est constitué d’activités réalisées par des personnes. Au début du projet, nous avons une estimation de « l’effort total » du projet.

Lors du processus de planification, il faut créer le plan de charge associé, et durant l’exécution, introduire le suivi du temps pour contrôler régulièrement le travail réalisé.

Nous allons voir comment faire la saisie, le suivi et la valorisation du temps de travail en gestion de projet.

Pourquoi planifier et suivre les temps ?

Définissons tout d’abord ce qu’est la saisie et le suivi des temps ou des heures passées : cela consiste à planifier pour chaque activité le temps à y passer.

Cela fait partie des techniques de création des diagrammes de Gantt.

Ensuite, cela consiste à demander aux membres des équipes projet de saisir le temps REELLEMENT passé sur les activités, en général de manière hebdomadaire.

formation en gestion de projet
formation devenir chef de projet performant

1) Au niveau projet

Au niveau projet, la création d’un plan de charge est indispensable, que cela soit en amont pour avoir une estimation de l’effort total, que pendant le processus de planification.

C’est un point d’entrée pour l’organisation du travail du projet, l’optimisation du chemin critique et la gestion des risques.

Ensuite, pour pouvoir évaluer correctement l’avancement du projet il faut pouvoir comparer le « réalisé », c’est-à-dire les tâches qui ont été exécutées, au coût associé, qui est constitué par les dépenses externes et le temps réellement utilisé pour l’exécution.

C’est une des données pour les calculs d’Earned Value.

2) Au niveau ressources

De plus en plus de projets ont des équipes non dédiées, dans lesquelles les intervenants travaillent sur plusieurs projets.

Planifier la charge de travail et la comparer avec le réalisé régulièrement, permet d’optimiser l’utilisation des ressources, mieux gérer les éventuels arbitrages entre projets et évaluer les personnes.

D’un point de vue individuel, c’est également un moyen objectif de voir comment améliorer son travail, mieux gérer son temps et mieux comprendre les difficultés.

3) Au niveau entreprise

La consolidation des données de plan de charge et du travail réalisé permet d’avoir une vision claire de l’utilisation des ressources humaines, du coût réel des projets et de planifier les besoins en formation, en consultants externes et en recrutement.

Comment planifier le temps dans un projet ?

Avant de parler des outils, qui sont en fait des facilitateurs d’une stratégie, parlons de la création des plans de charges.

Une entreprise aura intérêt à planifier les temps des projets et des activités opérationnelles.

Concentrons-nous sur les projets, la partie Opération pouvant être considérée comme « un projet récurrent », en général plus simple.

Planifier les temps des « Opérations » ! On distingue très souvent le BUILD ( = projet ), du RUN ( = opération). Estimer et suivre le temps des Opérations est également un point clé. On peut dans ce cas créer des « projets annuels » avec une liste des principales activités. Le plan de charge est fait par mois, trimestre, et mis à jour en fonction du retour d’expérience donné par le « réalisé ».

Ainsi, la planification des temps prend en compte les aspects suivants :

1) Identifier les activités du projet

Un projet est constitué de WBS et d’activités.

Chaque chef de projet va découper son projet, son Gantt en fonction des besoins et dans un souci d’efficacité.

Quelle durée pour une activité ? On peut utiliser la règle des 8/80 heures, c’est-à-dire au minimum un jour (=8 heures) au maximum 10 jours (80 heures). De trop petites activités créent un effort supplémentaire en matière de suivi et de saisie des heures. Des activités trop longues sont difficiles à accompagner et leur retard peut n’être détecté que trop tard.

Ensuite, le chef de projet va attribuer des ressources à chaque activité.

La synthèse de ce travail donnera :

  • Le plan de charge du projet au long de sa durée.
  • Le total des heures estimées pour le projet.
  • Du côté ressources, en additionnant les plans de charge des différents projets, une vision globale du plan de charge d’un département.

2) Vérifier la disponibilité des ressources

Pour une meilleure planification des heures de travail, il est utile d’attribuer les ressources à une activité par rôle ou de manière nominative.

Cela dépend essentiellement de la taille de l’entreprise et de l’outil utilisé.

Néanmoins, l’essentiel ici est d’avoir un dialogue avec le responsable de chaque ressource pour qu’il puisse au mieux répondre à la demande du ou des projets.

L’outil de suivi des heures ne doit pas substituer l’échange.

3) Compter les activités hors horaire normal

Une configuration classique d’un planning est de suivre les jours et heures de travail.

Nous savons tous que certaines activités doivent être réalisées en dehors des horaires commerciaux, soit pour ne pas perturber le fonctionnement de l’entreprise soit pour profiter des arrêts des outils industriels ou informatiques.

Dans ce cas, comment planifier les heures associées ?

Du fait des complexités légales, il est souvent plus simple de maintenir le planning sur des horaires commerciaux et mettre à jour l’exécution des activités après leur complétion.

La gestion des repos, heures supplémentaires s’effectue à part, en coordination avec les Ressources Humaines et la Finance.

On peut imaginer d’avoir des systèmes totalement intégrés, mais la complexité et le coût associés n’en valent en général pas la peine.

4) Quel outil utiliser ?

De nombreux outils de suivi des temps sont disponibles avec des niveaux de coûts et de complexité différents.

Un outil de diagramme de Gantt permet en général d’attribuer des ressources aux activités et ainsi de créer un plan de charge au niveau projet.

kit-diagramme-gantt

Modèle du diagramme de Gantt

Suivez l'avancement des activités projet

Les outils PPM (Project and Portfolio Management) font de même, et permettent à la fois de consolider au niveau programme, portefeuille voire entreprise et aussi de faciliter la saisie des temps.

Il existe également des outils de suivi des temps indépendants, dont la fonction est seulement de saisir le temps réalisé sur chaque activité.

Quels sont les critères de choix :

  • Le coût et la durée de déploiement
  • Le coût annuel de maintenance et le coût interne d’administration
  • La flexibilité, les capacités d’adaptation aux besoins de l’entreprise
  • Les possibilités d’intégration avec d’autres systèmes : ERP, SIRH
  • Les capacités de reporting
  • La possibilité d’utilisation internationale, tant d’un point de vue langue d’interface que d’adaptation aux différentes législations et calendriers.

Saisie des temps passés : Une contrainte pour l’équipe

Pour les membres d´une équipe projet, saisir les heures passées est une contrainte car cela est souvent synonyme de :

  • Utiliser un système supplémentaire
  • Passer du temps à remplir des formulaires
  • Mettre en place une routine, une discipline.

De plus, cela peut être vu comme une forme de micro-management, « d’Inquisition », ce qui n’est en général pas très bien perçu par la majorité des gens.

Enfin le temps de travail étant souvent lié à la rémunération, c´est un sujet sensible.

Comment suivre les temps ?

Voici comment se passe la démarche de suivi des temps :

1) Création et consolidation des plans de charge 

Un point de départ est de créer des plans de charge au niveau des projets et de les consolider.

Ce serait déjà un premier pas vers une meilleure gestion des ressources.

2) Vérification des prévisions et amélioration des estimations 

Ce n’est pas suffisant ! 

Comment confirmer que les prévisions étaient bonnes ?

Comment améliorer les estimations, comment accompagner avec précision la performance des projets ?

Il faut donc mettre en place la deuxième étape qui est la saisie et le suivi des temps passés.

3) Mise en œuvre et sensibilisation au suivi des temps 

Dans la démarche de suivi du temps, deux actions principales se distinguent pour garantir l'efficacité et l'acceptation du processus par toutes les parties prenantes :

Premièrement, il faut impliquer le Département des Ressources Humaines.

Vérifier les aspects légaux, contractuels, confirmer d'éventuelles duplicités avec d´autre systèmes telles que les badgeuses et confirmer les intégrations, ou l´absence d´intégration avec le système de paye, de congés.

Deuxièmement, il faut « vendre » les bienfaits du suivi des temps, d´un point de vue management, gestion de projet et individuels.

4) Définition par jour ou par heure ?

Le suivi des temps étant également un sujet lié aux Ressources Humaines, que les gens soient payés à l’heure ou au forfait, le fait de saisir et suivre les temps implique une dépendance avec les horaires de travail, les heures supplémentaires, la feuille de paye.

Pour faire simple, il vaut mieux maintenir une indépendance entre les systèmes.

Pour éviter la complexité de gestion des heures supplémentaires, les heures hors horaires commercial, il est préférable de configurer les systèmes pour une saisie en jour et fraction de jour, et de limiter la saisie à la valeur de UN jour.

Ainsi pas d’heures supplémentaires dans le système de suivi des temps projets.

5) Saisie complète ou partielle 

Un autre point à confirmer :

Les ressources doivent-elles saisir 100% de leurs activités ou se limiter aux projets ?

L’avantage du saisie complète est la possibilité d’obtenir des données complètes.

D’un autre côté, dans le cas de participation ponctuelle (test utilisateur par exemple), l’exigence d’une saisie à 100% peut s’avérer fastidieux.

2) Avantages de la saisie des temps

Le temps passé à saisir les temps doit être compensé par des points positifs :

  • Individuellement, le fait de saisir ses temps permet d´avoir des données, des informations quantitatives sur ce qui est fait. C´est un outil qui facilite les inévitables arbitrages entre activités.
  • Pour la gestion de projet, c´est essentiel : comment évaluer correctement l´avancement d´un projet, si on ne peut mesurer l´effort réel fourni ?
  • D´un point de vue management, la consolidation des données permet de mieux piloter l´entreprise, mieux savoir comment sont utilisées les ressources. C´est sortir de la perception vers du quantitatif.

La réticence est souvent conceptuelle : pourquoi micro-manager ? Ceci sera-t ’il utilisé pour détecter les personnes inefficaces ? Dans la pratique, les données récoltées permettent de mettre en évidence le temps passé sur certaines activités qui ont peu de valeur ajoutée et de mieux revoir les priorités au niveau individuel et de l’entreprise.

3) Contexte international

Le suivi des temps dans un contexte international ajoute quatre dimensions :

  1. La gestion des différentes législations : 35 heures, 40 heures, travail le samedi, …
  2. Le calendrier des jours fériés.
  3. Les différences de fuseau horaire.
  4. La langue du système de saisie.

C´est un sujet complexe et il n´y a pas de solution simple ou miracle.

L’outil de saisie et de suivi des temps doit pouvoir :

  • Personnaliser le calendrier par pays, voire par profil, pour y insérer les jours fériés.
  • Avoir une interface dans la langue locale.
  • Être capable de gérer le nombre de jours travaillés par mois, ainsi que les temps partiels.

4) La gestion des activités « non productives »

Les ressources ne saisissent généralement pas 100% de leurs temps sur des projets.

Chaque entreprise définit un minimum, qui tourne en général autour de 80%.

Pour le reste, il faut prendre en compte la formation, les réunions d’équipes, les événements de l’entreprise.

Il est également important de configurer les vacances, les repos, les congés maladies et autres.

Tout ceci en accord et en synergie avec les Ressources Humaines.

Conversations sans fin concernant la saisie des temps liés aux réunions de revue de projets : faut-il définir une activité spécifique ou faut-il répartir sur les projets en cours ? Il n’y a sans doute pas de bonne réponse, tout dépend du contexte. Dans le cas de gros projets, attribuer ces temps aux projets n’influe pas particulièrement. Créer une activité spécifique est une idée, mais c’est vite considéré comme « non-productif » alors qu’en fait, cela apporte souvent beaucoup aux projets. L’essentiel est qu’il y ait un consensus et que le tout soit correctement documenté et communiqué.

kit du chef de projet 0923
outils du chef de projet 0923

Valorisation des temps

D’un point de vue projet, être capable de valoriser financièrement les temps permet d’avoir un suivi financier complet et précis.

Pour rappel : les heures internes ont un coût et ce coût doit être estimé.

Pourquoi ?

Pour éviter l’illusion du projet gratuit : ce n’est parce que le projet utilise des ressources internes qu’il ne coûte rien à l’entreprise.

Pour faciliter les arbitrages en termes de sous-traitance : en ayant une idée des coûts internes, on peut mieux évaluer le coût réel d’une prestation externe et mieux prioriser les projets.

Pour être plus efficace dans l’attribution des ressources au niveau Portefeuille.

CapEx, OpEx ? Bien configuré, un système de suivi des temps permet de faciliter l´attribution des activités projet à l’Opex ou au CapEx. Il suffit pour cela de créer des attributs aux différentes activités projets, suivant qu´elles sont amortissables ou pas. Ainsi un rapport peut être facilement fourni au Département financier.

Cas des sociétés de services

Les sociétés des services proposent, en général, des prestations au forfait ou en régie (time & Material).

Dans les deux cas, il est indispensable de valoriser les heures en termes de coût, pour confirmer la rentabilité des projets, et en termes de prix dans le cas de la régie pour émettre les factures.

Il est souvent nécessaire d’avoir des systèmes très efficaces qui permettent l’émission de facture quelques jours après la fin du mois précédent.

Conclusion

D’un point de vue gestion de projet, suivre le temps passé est indispensable pour pouvoir évaluer correctement un projet.

D’un point de vue individuel, c’est un outil intéressant pour ceux qui recherchent de l’amélioration continue et plus d’efficacité.

D’un point de vue « corporate », la consolidation des données permet de mieux comprendre le fonctionnement de son entreprise, prendre de meilleures décisions et mieux appliquer ses ressources à sa stratégie.

Enfin, avec l’utilisation de l’Intelligence Artificielle, la constitution d’une base de données concernant le temps passé sur les activités réalisées devient un facteur différentiel pour extraire des conclusions et mieux préparer l’avenir.

Le coût et l’effort à sa mise en place est rapidement récupéré par les avantages cités.

Christophe Delalande

A propos de l'auteur

Passionné par la gestion de projet depuis sa certification PMP en 2005, Christophe a géré des projets, des programmes et des portefeuilles, réalisé des intégrations de systèmes informatiques en contexte international sur les 4 continents, et plus particulièrement en Amérique du Sud.
Il travaille quotidiennement en Anglais, Espagnol, Français et Portugais.
Également certifié PMI-RMP et PMI-ACP, il continue à se mettre à jour d’un point de vue technique et méthodologique.
Il est également ceinture noire de Karaté Shotokan. En savoir plus sur Christophe et ses publications

Les autres articles du dossier 

{"email":"Adresse email invalide","url":"Url du site invalide","required":"Champ obligatoire non renseigné"}

Accélérez votre carrière et vos projets avec notre eBook !

Découvrez une méthodologie avec des astuces d'experts pour réussir vos projets de bout en bout.

Cet ebook présente des méthodes avancées et des outils essentiels pour la planification, l'exécution et le contrôle, afin d'optimiser chaque phase de vos projets.

>