Un des points clé pour bien commencer un projet est d’avoir une bonne estimation initiale. Sans cela, les chances de succès du projet diminuent considérablement !
En effet, durant l’exécution du projet, cette erreur initiale aura de nombreuses conséquences, tant sur le moral de l’équipe, que sur le budget et le planning.
Nous allons donc voir comment estimer correctement vos projets en utilisant la méthode des abaques de chiffrage.
Les qualités d'un bon chiffrage projet
Le chiffrage est une des composantes essentielles de la documentation du projet.
Mais au fait, quelles sont les principales qualités d’un bon chiffrage ?

En voici 5 qualités que nous allons maintenant développer :
1) La complétude
Cela correspond au fait d’être complet, achevé.
La perfection n’existant pas, l’objectif ici est d’avoir le chiffrage le plus détaillé et le plus complet possible, dans un contexte de début de projet.
2) L’honnêteté
L’objectivité et l’honnêteté intellectuelles sont indispensables.
Il faut, au maximum, faire abstraction des influences externes ou conjoncturelles qui vont influencer consciemment ou non le résultat :
- Le budget maximum du client
- L’état d’esprit de l’équipe
- La marge nécessaire dans le cas de prestation de services
Ces facteurs seront évidemment pris en compte, mais ultérieurement, lors de la constitution du devis.
C’est d’ailleurs toute la différence entre le chiffrage et le devis.
3) Le caractère explicite
Un chiffrage se fait à un instant t, avec les informations disponibles. Très souvent, il existe également des suppositions.
Ces hypothèses doivent être écrites, visibles et partagées.
De plus, il est important de définir, ce qui fait partie, et ce qui ne fait pas partie du chiffrage.
4) La continuité
Deux chiffrages du même projet avec les mêmes hypothèses devraient être très proches.
Les différences doivent être minimes.
En d’autres termes, il y a un besoin de cohérence et de crédibilité.
5) L’expérience
Le chiffrage d’un projet doit se baser sur des données de projet antérieures et sur l’expérience de la personne qui le prépare.
Cela doit apparaître clairement.
Il existe diverses méthodes pour réaliser un chiffrage.
Parmi les méthodes possibles, la méthode dites « des abaques » est celle, qui par expérience, permet les meilleurs résultats.
La méthode des abaques de chiffrage en 5 étapes
Cette méthode fonctionne en 5 étapes :
Étape 1 : Constitution du référentiel
Tout d’abord, constituez un référentiel de chiffrage.
C'est-à-dire, découpez le projet en éléments simples : en tâches productives unitaires.
Décrivez-les en une phrase et évaluez l’effort de chacune de façon moyenne.
Cela équivaut à créer ou à utiliser un découpage en WBS (Work Breakdown Structure).
On n’utilise ici que les tâches productives qui sont par nature faciles à évaluer.
Inutile de prendre en compte les tâches récurrentes qui sont en fait proportionnelles à la durée du projet (par exemple : les réunions, les points d’équipe…) ou proportionnelles aux tâches de production (la phase d’étude, les tests par exemple).
Vous pouvez utiliser autant de décomposition que nécessaire pour votre activité.
Vous obtenez donc un premier tableau avec une ligne par type d’activité unitaire et un chiffre pour chaque activité.
Étape 2 : Évaluation des charges proportionnelles
Ensuite, listez et évaluez toutes les activités « non productives » associées au projet.
Comme commenté ci-dessus, ces activités sont en général proportionnelles à la durée du projet ou liées à d’autres activités
Par exemple, on considère souvent que le temps d’un chef de projet est de 15 à 25 % du temps total de l’équipe.
Les réunions sont en général récurrentes. On peut donc évaluer leur impact par semaine.
Il va de soi que tout ceci doit être adapté au métier et au contexte.
On obtient donc un deuxième tableau dont chaque ligne est une charge proportionnelle et un chiffre en pourcentage.
Étape 3 : Établissement du chiffrage brut
Le chiffrage brut est ensuite une synthèse des deux étapes précédentes.
On détermine la charge à produire en utilisant le référentiel construit en étape 1, et en indiquant pour chaque ligne la quantité à faire sur le projet.
On reporte le total de la production obtenu dans le deuxième tableau.
En appliquant les pourcentages et en sommant le total obtenu, on obtient le chiffrage global du projet.
Étape 4 : Affinage du chiffrage
Ici, l’expérience rentre en compte.
Les projets se suivent, se ressemblent, mais sont pourtant tous différents.
Il faut maintenant observer les spécificités du projet en question et moduler le chiffrage brut, en documentant clairement les suppositions utilisées.
Étape 5 : remise à jour des abaques
La fin du projet, au moment de la rédaction des « leçons apprises », on pourra comparer le réel avec l’estimation initiale et étudier les écarts.
Cela permet de :
- Mettre à jour le référentiel (« finalement, le développement d’une page simple prend 1,5 jour et non pas 2 jours »)
- Mettre à jour les pourcentages des charges proportionnelles
- Décider comment on répartit les charges productives ou proportionnelles.
Nous parlons ici de chiffrage.
Pour obtenir le devis final, on ajoutera tous les facteurs externes et conjoncturels :
- Remise commerciale
- Fournitures
- Provisions pour risque exceptionnel
- …
On ajustera ensuite le niveau de détail à présenter au client.

Un exemple pratique
Voyons maintenant un exemple, très simple, qui va permettre de mettre tout cela en pratique.
L’idée ici est de fournir des nouveaux PC portables aux 200 employés d’une entreprise.
Télécharger cet exemple de chiffrage
1) Découpage tâches productives et proportionnelles
Les tâches productives sont dans ce cas :
- La préparation du PC : mise en place de la configuration standard de l’entreprise
- Une fois avec l’utilisateur, la sauvegarde des données du PC existant et transfert vers le nouveau
- La configuration spécifique du PC
- Le support et l'explication du nouvel équipement
La variable, ici, sera tout simplement le nombre d’employés.
Le référentiel sera basé sur le temps, en heure nécessaire à l’exécution de chaque activité.
Vous obtenez donc votre référentiel suivant :
Activité | Description | Durée en heures |
---|---|---|
Pr1 | Préparation PC | 0,5 |
Sa1 | Sauvegarde ancien PC | 0,1 |
Co1 | Configuration nouveau PC | 0,5 |
Tr1 | Transfert des données | 0,15 |
Su1 | Support utilisateur | 0,25 |
Le tableau des charges proportionnelles pourrait être :
Activité | Description | Valeur |
---|---|---|
Pl1 | Planning Déploiement | 10% |
Re1 | Réunion de statut | 5% |
Su2 | Support ponctuel | 5% |
2) Chiffrage brut
Le chiffrage brut du projet sera donc :
Référentiel de chiffrage :
Activité | Description | Coeffcient (h) | Nombre | Total (h) | Remarque |
---|---|---|---|---|---|
Pr1 | Préparation PC | 0,5 | 200 | 100 | |
Sa1 | Sauvegarde ancien PC | 0,1 | 200 | 20 | |
Co1 | Configuration nouveau PC | 0,5 | 200 | 100 | |
Tr1 | Transfert des données | 0,15 | 200 | 30 | |
Su1 | Support utilisateur | 0,25 | 200 | 50 |
TOTAL = 300 heures de travail
Charges proportionnelles
Activité | Description | Coeffcient (h) | Nombre | Total (h) | Remarque |
---|---|---|---|---|---|
Pl1 | Planning Déploiement | 10% | 300 | 30 | |
Re1 | Réunion de statut | 5% | 300 | 15 | |
Su2 | Support ponctuel | 5% | 300 | 15 | Tous les utilisateurs n'ont pas besoin de support ponctuel |
TOTAL = 60 heures de travail
TOTAL Chiffrage Brut = 360 heures
3) Chiffrage ajusté
Après ce premier chiffrage, il s’avère que des 200 employés, 50 sont nouveaux.
Il n’est donc pas nécessaire d’effectuer la sauvegarde, ni le transfert des données.
De plus, le temps passé en réunion de statut paraît élevé.
On enlève donc de ce calcul les heures passées à la sauvegarde et au transfert.
On obtiendra donc :
Référentiel de chiffrage
Activité | Description | Coeffcient (h) | Nombre | Ajustement | Total (h) | Remarque |
---|---|---|---|---|---|---|
Pr1 | Préparation PC | 0,5 | 200 | 100 | ||
Sa1 | Sauvegarde ancien PC | 0,1 | 200 | -50 | 15 | 50 nouveaux employés |
Co1 | Configuration nouveau PC | 0,5 | 200 | 100 | ||
Tr1 | Transfert des données | 0,15 | 200 | -50 | 22,5 | 50 nouveaux employés |
Su1 | Support utilisateur | 0,25 | 200 | 50 |
TOTAL = 287.5 heures de travail
Charges proportionnelles
Activité | Description | Coeffcient (h) | Nombre | Ajustement | Total (h) | Remarque |
---|---|---|---|---|---|---|
Pl1 | Planning Déploiement | 10% | 287.5 | 28.75 | ||
Re1 | Réunion de statut | 5% | 287.5 | -37.5 | 12.5 | Temps passé à la sauvegarde (15h) et au transfert (22,5) non pris en compte |
Su2 | Support ponctuel | 5% | 287.5 | 14.375 |
TOTAL =55.625 heures de travail
TOTAL Chiffrage ajusté= 343.125 heures
Deux points importants :
- Toute modification des données d’entrée implique une mise à jour automatique du chiffrage final
- Il existe un rationnel qui peut être expliqué. Il vaut ce qu’il vaut, mais il a le mérite de se baser sur une ligne de raisonnement
Il est évident que dans un cas réel, le calcul est plus complexe.
On peut considérer, par exemple, que le temps passé en réunion se base sur la durée du déploiement (quantité de jours calendaires).
On peut également considérer que le temps consacré au planning de déploiement est proportionnel à la quantité de PC…
4) Préparation à la négociation
La méthode en question se basant sur des activités clairement définies et des hypothèses simples.
Vous pouvez donc, d’une part, expliquer comment vous êtes arrivé au chiffre proposé.
Si le chiffrage est considéré comme trop élevé, il est possible de supprimer le support ponctuel, par exemple, en le laissant à la charge des utilisateurs.
En quoi cette méthode répond aux 5 exigences de qualité d’un chiffrage ?
1) La complétude
En ayant cette approche de définir les principales tâches, et de lier les autres activités annexes à ces mêmes tâches par des formules, vous permet d’avoir une vision complète du projet.
L’état d’esprit ici est d’être le plus exhaustif possible et de créer une « logique » pour avoir un tout cohérent.
2) L’honnêteté
Ce chiffrage se base en fait sur une structure WBS, sur des estimations d’éléments simples.
Les hypothèses de départ sont claires.
Les calculs sont basés sur des formules mathématiques.
Il y a donc ici une rigueur de raisonnement qui permet à tout moment d’expliquer les chiffres.
À l’opposé de certains devis mystérieux dont les valeurs semblent avoir été magiquement calculées.
3) Le caractère explicite
Comme souligné plus haut, la base du chiffrage est une liste d’activités, une estimation de leur durée, et une logique liant les différentes activités du projet.
Les hypothèses sont clairement expliquées.
Tout est clair et explicite.
Certains diront que des cas réels peuvent être plus complexes avec plusieurs dizaines d’activités, c’est vrai.
Néanmoins, la complexité viendra d’une grande quantité d’éléments simples qui peuvent être clairement expliqués un par un.
4) La continuité
Dans l’exemple, toute modification de la quantité d’employé, ou l’ajout d’activité, comme une connexion à une imprimante, pourra être prise en compte de manière transparente et cohérente.
De plus, si on demande un devis semblable pour une autre organisation avec un nombre différent d’employés, le chiffrage sera comparable.
Cette approche crée un climat de confiance avec le client.
5) L’expérience
Même si l’approche paraît très mathématique, elle prend en compte l’expérience, les retours d’expérience et les ajustements venant de l’expérience du terrain.
Ces valeurs sont donc objectives et démontrables.
Le découpage entre tâches productives et proportionnelles est aussi ajusté de projet en projet et en fonction de votre expérience.
Les outils à utiliser
Pour des projets simples, on utilisera évidemment un tableur comme Excel. Très rapidement, la feuille de calcul deviendra complexe.
Certains ERP vous proposeront également des modules de chiffrage.
Dans certains cas, on pourra utiliser des outils du marché, en fonction du corps de métier ou des outils de calcul en ligne.
Artisans et BTP :
Une rapide recherche sur Internet permet de trouver quelques références d’outils de chiffrage : Obat ou Graneet.
C’est un point intéressant : la construction ou la réforme d’une maison est toujours un projet plus complexe qu’on ne l’imagine.
Et ce genre d’outils à tout son sens pour maintenir une approche rationnelle tout en évitant la complexité de feuilles de calcul Excel avec de multiples variables.
Conclusion
L’idée du chiffrage par abaque est de créer une structure rationnelle qui permette de préparer des chiffrages pertinents avec une approche détaillée et flexible.
L’exemple est volontairement simplifié, et son but est de montrer l’approche, liant les activités clés d’un projet aux activités de support et d’accompagnement.
C’est également une manière de proposer des devis structurés qui augmentent la confiance des clients et améliorent la relation commerciale.