Chef de projets durables : 13 questions à se poser à chaque phase

À l’ère du réchauffement climatique qui touche les quatre coins du monde et qui n’épargne aucune créature, la question de la durabilité de nos activités et de nos choix devient une priorité capitale.

Vous vous posez certainement la question de savoir quels produits consommer ou quel moyen de transport prendre pour impacter moins l’environnement. 

Mais, vous posez-vous la question suivante : « que dois-je faire en tant que chef de projet pour sauver la planète ? ».

Dans cet article nous allons traiter treize questions que tout chef de projet devrait se poser pour améliorer la durabilité de ses projets, en suivant le cycle de vie d’un projet classique commençant par l’initialisation et se terminant avec une clôture.

kit du chef de projet 0923
outils du chef de projet 0923

Initialisation durable

Tout projet passe par une phase préliminaire à son lancement afin d’évaluer sa faisabilité et valider son retour sur investissement. 

Durant cette phase on pourrait se poser plusieurs questions critiques vis-à-vis de la durabilité.

Trois questions pourraient être posées pour tout projet concernant la faisabilité, la réussite et les changements.

Question 1 : La durabilité compte-t-elle dans la faisabilité ?

L’une des premières questions à se poser est : « est-ce que la durabilité a une place parmi les critères de validation de la faisabilité des projets ? ».

Cette question serait un premier filtre qui reflète l’engagement véritable de l’organisation envers la question de la durabilité.

Un projet non durable serait un projet infaisable.

Tout de même, admettons qu’il y aura un grand nombre de projets qui seront à la limite de la faisabilité selon les exigences de faisabilité.

Et ces dernières dépendent bien de plusieurs autres facteurs internes et externes à l’organisation.

D’où l’intérêt de bien approfondir la réponse à cette question.

Question 2 : La durabilité fait-elle partie de la réussite ?

Une deuxième question à laquelle on répond dès l’étude de faisabilité est celle de la définition de la réussite.

Cette dernière est un concept qui diffère selon les perceptions, ce qui impose sa définition pour faciliter sa vérification.

Mais, la véritable question à se poser est : « est-ce que la durabilité figure comme facteur décisif dans la réussite de notre projet ? ».

Il faut admettre que c’est une question difficile mais tout à fait légitime.

Seriez-vous capable de dire un jour : « nous avons échoué dans le projet en termes de durabilité bien qu’on ait réussi sur tous les autres critères » ?

Question 3 : Accepter des changements pour l’écologie ?

Tout projet est sujet à des changements quel que soit le contexte et l’environnement. Certains sont implémentés, d’autres sont refusés. 

Mais les plus durs sont ceux qui remettent en cause le business-case du projet

La question à se poser est alors : « seriez-vous prêts à accepter des demandes de changement touchant aux fondements de vos projets pour satisfaire une exigence écologique ? ». 

Avouons que ce n’est pas une tâche facile, elle demande beaucoup de courage et d’engagement envers la question de la durabilité.

Si vous répondez par « oui », alors vous serez implicitement en faveur de prioriser la durabilité sur un autre critère de réussite (un choix noble en soi).

Toutefois, il y a un curseur à placer quelque part entre deux objectifs légitimes à savoir réussir financièrement et agir pour la durabilité.

Savoir où le mettre dépendra de la maturité de votre organisation vis-à-vis de la durabilité.

Comme exemple à l’engagement envers la durabilité même en apportant des plans de changement majeurs au projet, on cite Unilever.

Cette dernière, avec son objectif "Zéro Émission Nette" à l’horizon 2039, s’est engagé à atteindre zéro émission en transformant ses formulations, ses emballages et ses chaînes d’approvisionnement. Une décision courageuse mais visionnaire en même temps.

Planification durable

Une fois le projet enclenché, on passe à la planification.

Dans cette phase, se joue une grande partie de la réussite du projet vis-à-vis de la durabilité.

Un bon départ assurera la réussite, un faux départ mettra en péril même la réputation de l’organisation réalisatrice.

Nous allons traiter cinq questions relatives à la WBS, à la qualité, au PMP, aux références de base et aux KPIs.

Question 4 : Avez-vous un work-package dédié à la durabilité?

Parmi les documents de projet emblématique, il y a la WBS (Work Breakdown Structure). On trouve dedans une décomposition exhaustive du projet qui aide à visualiser facilement ce dernier.

La question qu’on pourrait se poser est alors : « est-ce qu’on a prévu un work-package dédié à la durabilité de notre projet ? ».

Si la réponse est « oui », alors forcément vous avez bien planifié votre projet en termes de durabilité.

La preuve ?

Vous avez une case sur votre WBS qui vous rappelle à chaque fois que vous avez des engagements à honorer, des livrables à livrer, des indicateurs à suivre, des ressources à rentabiliser et surtout un objectif à respecter.

Dans ce cas, la durabilité est une partie intégrante de votre projet, elle n’est pas à la marge, elle est au centre même du projet.

Question 5 : Avez-vous intégré la durabilité dans la qualité ?

Pour que la durabilité figure sur votre WBS, il faut qu’elle fasse partie des exigences même du projet.

Elle pourrait provenir d’une exigence interne ou externe.

Mais la question à se poser est : « avez-vous pensé à intégrer un standard traitant de la durabilité au sein de votre plan de gestion de qualité ? ».

Si la réponse est « oui », alors la durabilité est véritablement un composant structurel de votre management de projet.

Rappelons ici que le domaine de la durabilité pourrait être le 11ème domaine de connaissance que tout chef de projet devrait maîtriser dans l’avenir.

Rappelons aussi que, dans ce sens, les normes et les standards ne manquent pas.

Vous pourrez, par exemple, utiliser l’ISO14001, l’ISO 50001, l’ISO 26000, et/ou le Sustainability Project Management Guide de GPM.

Question 6 : Votre PMP doit-il être validé par le CSO ?

Le plan de management de projet est une sorte de feuille de route qui explique le « quoi », le « quand », le « pourquoi », le « comment » et le « par qui » pour toutes les activités du projet. 

Alors, naturellement, si la gestion de la durabilité est une partie de notre plan de gestion de qualité, elle en est une aussi de notre PMP.

De ce fait, la question à poser est : « est-ce que notre PMP est à valider par notre Chief Sustainability Officer (CSO) ? ».

Si la réponse est « oui », alors une telle obligation placerait votre organisation sur une échelle de maturité encore plus haute, vu que le poste même de CSO n’est pas très commun à toutes les organisations.

Cela donnerait à votre projet une légitimité plus forte car la validation viendrait d’un membre de l’exécutif de l’organisation.

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Question 7 : Y a-t-il une référence de base pour la durabilité ?

Qui dit qualité et standards, dit référence de base.

On ne peut respecter une référence si on ne définit explicitement des objectifs chiffrés par rapport auxquels nous allons mesurer notre avancement et notre réussite, et sur lesquels nous allons nous projeter pour remettre à jour nos performances cibles.

La question qui se pose alors est : « avez-vous une référence de base pour les objectifs de la durabilité ? ».

Une autre question tout à fait légitime pourrait se poser : « êtes-vous conscients de vos limitations vis-à-vis de l’empreinte écologique de votre projet ? ».

Connaître sa référence de base signifie maîtriser les règles du jeu dans un monde de plus en plus contraint écologiquement.

Néanmoins, c’est essentiel de rappeler qu’une référence de base n’est pas uniquement un élément limitatif, elle peut aussi devenir un moyen de promotion de la réussite écologique du projet.

À vous de fixer vos limites !

Question 8 : Avez-vous défini des KPIs de durabilité ?

Encore une fois, on ne peut parler de référence de base sans parler d’indicateurs clés de performance pour suivre nos performances. 

La question qui s’impose ici est : « avez-vous construit des KPIs vous permettant de suivre les performances de la durabilité des activités du projet ? ».

Si la réponse est « oui », alors votre organisation est bien placée sur l’échelle de la maturité quant à la question de durabilité.

Mais bien sûr ce n’est pas la fin de l’histoire !

Un indicateur vous indique seulement si vous êtes bien sur le bon chemin, mais l’essentiel c’est le travail de redressement qui se fait pour réussir une livraison du projet en total respect des objectifs de la durabilité.

Dans la phase de planification, on peut citer comme exemple phare le Canton du Valais en suisse qui a lancé un projet d'économie positive pour valoriser les actions durables des entreprises locales.

Ce projet incluait le coaching des entreprises pour intégrer les principes de durabilité dans leurs projets et décisions politiques dès la phase de planification. De quoi favoriser la durabilité dès la conception du projet et de ses livrables.

Exécution durable

Passons à l’exécution !

Traitons deux questions qui pourraient s’imposer pendant cette phase de mise-en-œuvre de tout ce que vous avez planifié dans les deux premières phases.

Nous questionnerons deux différents aspects du projet à savoir : la façon de faire les audits et la sélection des vendeurs.

Question 9 : Vos audits incluent-ils la durabilité ?

L’audit est un élément essentiel de la gestion de la qualité de tout projet.

Il constitue une occasion pour apporter au projet une sorte de critique constructive visant à améliorer à la fois le projet et ses livrables. 

Néanmoins, la prise en compte d’un aspect dans l’audit reflète le degré de l’engagement du projet et de l’organisation en général envers cet aspect.

Vous l’aurez alors deviné, la question qui se pose est : « est-ce que vos audits traitent la durabilité ? ».

Si « oui », la réponse alors votre système de gestion de la qualité est tout à fait aligné avec les objectifs de durabilité que votre organisation aurait fixés.

Mais attention !

L’idée ici n’est pas le fait d’avoir un audit très (trop) complexe ou cherchant le plus fin des détails.

L’idée est, tout simplement, de renforcer l’engagement de l’équipe projet en leur montrant que la durabilité est une question au cœur de la vision de l’entreprise.

Question 10 : Des approvisionnements durables ?

La phase de l’exécution est la phase des engagement contractuels. 

Après avoir planifié les approvisionnements, on passe à la contractualisation qui exige un choix entre plusieurs vendeurs.

La question qui se pose est : « quel poids donnez-vous au critère de la durabilité dans la sélection de vos sous-traitants ? ».

Souvent, on tombe sur des offres, pour le moins, intéressantes, mais qui ne remplissent pas un critère relatif au respect de l’environnement. Et on les prend quand même.

Un projet durable exigerait de ses sous-traitants des livrables durables.

L’objectif n’est pas d’être durable mais isolé, l’objectif est de créer et renforcer l’écosystème autour du projet pour faire de la durabilité une contrainte principale sur toute la chaîne de valeur.

Comme modèle pour cette partie d’exécution, on pourrait citer le Crédit Mutuel en France qui s’est posé comme objectif d’avoir 90 % des volumes d'achats provenant de fournisseurs ayant un projet d'efficience énergétique.

Maîtrise durable

Pour nous assurer que notre projet atteigne ses objectifs, la maîtrise se déroule en parallèle de l’exécution afin de garder le projet sur la bonne voie.

On exécute, on contrôle, on corrige et on itère à l’image d’un cycle PDCA (Plan, Do, Check, Act).

Nous traiterons deux questions touchant directement à la maîtrise à savoir :

  1. les outils de mesure de performance,
  2. la gestion de la valeur acquise.

Question 11 : Avez-vous les bons outils pour mesurer la durabilité ?

La gestion de la performance commence dès la phase de planification, prend forme en parallèle de l’exécution mais dépend fortement d’un élément sans lequel la mesure ne vaut rien.

Ce n’est autre que l’outil de mesure.

Sans les outils adéquats, vous ne saurez dire si vous avez atteint vos objectifs.

La question qui s’impose est alors : « disposez-vous des outils nécessaires et adéquats pour suivre et maîtriser les performances de votre projet en termes de durabilité ? ».

Si la réponse est « oui », il vous reste alors de maintenir votre système de maîtrise pour livrer un projet durable de sa conception à sa clôture.

Il est pertinent d’attirer l’attention sur le fait que de nouvelles technologies comme l’IA mettent à disposition des équipes projet, des outils hautement performant pour maîtriser la durabilité de leur projet. 

Néanmoins, il y a toute une gouvernance à bâtir autour de tels outils et c’est une autre histoire.

Question 12 : Intégrez-vous la durabilité dans la valeur acquise ?

Nous calculons tous les indicateurs d’avancement de nos projets, et peut-être une grande partie utilise la gestion de la valeur acquise ou ce qu’on appelle l’EVM (Earned Value Management). 

Dans ce sens, il y a les deux fameux SV (Schedule Variance) et SPI (Schedule Performance Index) qui donne la performance en termes de l’échéancier.

Mais là, le « S » pourrait indiquer (si on le décide) la durabilité (Sustainability).

Dans ce cas vous aurez deux nouveaux indicateurs sur votre tableau de bord : « Sustainability Variance » et « Sustainability Performance Index ».

L’idée n’est pas d’alourdir votre tableau de bord et votre système de maîtrise de projet. 

L’objectif est tout simplement de mettre la durabilité au centre de la valeur délivrée par le projet.

Un projet qui ne livre pas de valeur durable est un projet qui détruit de la valeur au lieu de la créer.

Pour ce volet de la maîtrise, l’entreprise pourrait être citée comme un modèle intéressant vu son utilisation de compteurs intelligents, pour optimiser l'utilisation des ressources et réduire les coûts dans ses projets.

Cet exemple montre à quel point on pourrait réunir dans la même entreprise l’innovation et la durabilité.

Clôture durable

Nous arrivons à la dernière phase, la clôture. 

C’est le propre des projets que d’avoir une fin. Toutefois, il y a une différence une clôture normale et une autre durable.

Nous allons traiter une seule question relative au rapport de fin de projet, document emblématique de toute fin de projet.

Question 13 : Votre rapport final inclut-il la durabilité ?

La fin du projet ne signifie pas la fin des questions.

Il y’en a une qui s’impose ici et c’est : « est-ce qu’il y a une partie dédiée à la durabilité dans votre rapport de fin ? ».

Si la réponse est « oui », alors vous avez réussi à couronner vos efforts pendant tout le cycle de vie de votre projet par une belle réussite.

Une section dédiée à la durabilité mettra en valeur vos efforts, montrera vos engagements et prouvera que votre projet a apporté son lot de durabilité à travers sa gestion et ses livrables.

Une conclusion durable

La durabilité ne se résume bien évidemment pas à ces treize questions et ne se limite pas au cycle de vie du projet.

La durabilité, comme son nom l’indique d’ailleurs, reflète la capacité de vos activités de projet à avoir un impact qui dépasse le cadre spatiotemporel de votre projet.

Après avoir lu cet article, il est temps de penser à d’autres questions, de challenger votre gouvernance et même de requestionner vos propres pratiques afin de faire de la durabilité une partie intégrante de l’ADN de votre organisation.

Pour aller plus loin...

Le standard GPM® P5™ (v3.1) propose un cadre structuré et pratique pour intégrer la durabilité dans les projets.

Aligné sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), il se concentre sur cinq dimensions : People, Planet, Prosperity, Process et Product.

Il fournit des outils concrets, tels que le plan de gestion durable et la matrice d’analyse d’impact, permettant de planifier, suivre et mesurer les effets des projets tout en enrichissant les rapports ESG.

J’en parle également dans mon livre « Repenser le management de projet pour un avenir durable – AFNOR éditions ».

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Mehdi ELGUARNI

A propos de l'auteur

Fondateur d’OWLIRIS, cabinet de formation en Management de projet. Il est diplômé de l’ENSAM et de l’ENPC.
Il est coauteur de l'ouvrage Repenser le management de projet chez les éditions AFNOR et formateur en management de projet.
Fort de plus de 10 ans d'expérience terrain, il a travaillé dans les secteurs de la chimie lourde et de l'énergie.
En savoir plus sur Mehdi et ses publications

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