Maturité en gestion de projet : défis, constats et pistes d’amélioration

Quand des processus sont imposés sans adaptation au contexte, ils entraînent rapidement des dérives incontrôlables.

L’organisation se retrouve alors saturée d’urgences, incapable de maîtriser les dérives. 

Les équipes, de leur côté, perdent leurs repères et peinent à comprendre l’origine des difficultés.

Dans cet article, nous verrons comment renforcer durablement la maturité en gestion de projet en adaptant les processus à la réalité de l’entreprise et en les implémentant de manière progressive et contextualisée.

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Les difficultés observées en l'absence de maturité 

Un faible niveau de maturité en gestion de projet se traduit par des difficultés récurrentes :

  • Des projets non priorisés suivant la stratégie et une dispersion des ressources
  • Des projets poursuivis alors qu’ils n’apportent plus de valeur, devenus obsolètes et non compétitifs
  • Des dérives importantes en délais et en budget dues à une maîtrise insuffisante et à l’absence de mise à jour des indicateurs
  • Des clients insatisfaits face à un manque de cadre, de communication, de transparence et de professionnalisme

Imposer un cadre standardisé en pensant qu’il suffira de déployer des procédures « One Size fits all » conduit presque toujours à l’échec.

Cette approche coûte cher et décourage les équipes.

Pour enclencher une véritable progression, deux ingrédients sont essentiels :

  1. adapter les processus au contexte en combinant plusieurs référentiels
  2. puis les implémenter progressivement en mettant l’accent sur les objectifs, la valeur apportée, la formation et l’amélioration continue.

Par où commencer pour évaluer sa maturité en gestion de projet ?

Le besoin de maturité découle souvent des constats précédemment identifiés ; l’organisation cherche alors à maîtriser ses coûts, accroître ses profits et renforcer la fidélité de ses clients.

Pour progresser, l’organisation doit engager une démarche structurée qui passe par plusieurs étapes successives, depuis l’analyse initiale jusqu’à l’évaluation continue de sa progression :

1) Identifier les bons acteurs pour conduire le diagnostic

On doit alors faire intervenir un organisme ou des personnes compétentes qui auront l’expertise et le recul nécessaire pour analyser la situation et proposer les bonnes actions.

Faire un audit, employer des personnes compétentes, cela peut venir d’un cabinet expert, de professionnels certifiés connaissant la méthode.

Cela peut être un rapport d’étonnement d’un PMO ou chef de projet.

Une arrivée fraîche permet de faire du recul, mais on peut faire appel à un PMO ou chef de projet interne qualifié et certifié PMP ou Prince 2 pour la gestion de projet, Lean Black Belt ou encore un Coach Agile. 

Votre organisation cherche à mieux cadrer ses projets et limiter ses dérives ?

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2) Mesurer le point de départ avant d’engager des actions

C’est le point de départ pour commencer ce cheminement vers une maturité en gestion de projet. 

Pour mesurer l’avancement, il faut toujours savoir d’où on part. 

C’est le moment de l’observation, de recueillir toutes les doléances et les résistances et de les mesurer contre un standard. 

Le Bilan intermédiaire répond à ce besoin. C’est un état de situation réalisé à intervalles réguliers.

Son objectif est de faire un point en cours de route : identifier ce qui a été implémenté, comment cela a été perçu, et ce qu’il reste à mettre en place.

Concrètement, il couvre les dimensions essentielles (processus, périmètre, qualité, planning, budget, communication, ressources, relation avec les parties prenantes) et intègre un questionnaire pour recueillir la perception des équipes. 

L’analyse de ces éléments débouche sur un plan d’amélioration avec une roadmap et des actions concrètes.

3) Éviter les pièges fréquents du diagnostic

Voici quelques pièges à éviter dès le début :

  • Imposer un cadre unique. Cela reste limité à certains secteurs, industries ou départements spécifiques.
  • Arriver avec une solution préconçue sans analyse préalable et l’imposer conduit à un risque élevé d’échec et à un désengagement des équipes, avec un retour rapide aux anciens processus.
  • Ignorer les idées et les besoins exprimés par l’équipe.

Un Certifié PMP® a pris la direction de Projet dans une PME, il a, à une semaine de son arrivée, proposé un PowerPoint avec tous les changements nécessaires. 

Sa présentation a eu un effet négatif, beaucoup de résistance de la part des équipes et chefs de projet.

Sa période d’essai n’a pas été renouvelée. 

4) S’appuyer sur un auto-diagnostic simple pour évaluer son niveau de maturité

Voici quelques questions que vous pouvez vous poser : 

4.1) Nos projets sont-ils alignés sur la stratégie ?

Pour cette question, il faut vérifier comment sont choisis les projets. 

Ce qu’il ne faudrait pas faire, c’est commencer les projets avec comme seul critère le ROI et la disponibilité des ressources. 

Le choix de projet ne doit pas uniquement poser là-dessus, c’est important ! 

Un autre critère à prendre en compte est comment le projet s’inscrit aux objectifs de l’entreprise.

En effet, chaque année, l’entreprise a des objectifs de chiffre, mais aussi des directions comme l’innovation, l’optimisation, de nouveaux marchés.

Et chaque projet devrait s’inscrire dans ces objectifs.  

La méthode des OKR est un très bon moyen de s’assurer que les projets entrent bien dans la stratégie et que la priorisation porte sur ce critère. 

Par exemple, si une entreprise était en forte croissance et qu’elle dépensait beaucoup d’argent les années précédentes, un constat de stabilisation avec optimisation des ressources peut être la stratégie de l’année en cours.

Les projets de recherche ou d’innovation laisseront la priorité à des projets d’optimisation et d’efficacité par exemple. 

Et inversement pour une entreprise qui décide pour l’année en cours d’innover. 

Dans les deux cas, le choix des projets se fait bien en alignement avec la stratégie.  

4.2) Avons-nous des processus adaptés ou copiés sans réflexion ?

Pendant longtemps, toutes les entreprises voulaient devenir agiles, et elles adoptaient tous les rituels et principes de la méthodologie agile sans adapter au contexte. 

Cela mène aujourd’hui à une mise en avant des approches agiles

Car si on a un périmètre bien verrouillé et que l’on a les certitudes sur le résultat final, aucun besoin d’adopter tout le processus agile.

Cela fait perdre du temps à toutes les parties prenantes pour un résultat connu. 

Il en est de même pour les processus Lean

Dans une entreprise, des audits Lean ont été menés sur tous les projets de l’entreprise.

L’équipe qui mettait en place le Lean, ne s’adaptait pas au contexte.

À la fin de chaque audit, elle donnait juste les processus à mettre en place qui manquaient au projet. Or, il ne faut surtout pas faire du “One size Fits all”.

Le constat a été que les projets abandonnaient la plupart des processus non adaptés au bout des 6 mois.

Cela fait perdre du temps à toute l’équipe, l’audit ainsi que l’implémentation n’ont pas été gratuits non plus. 

Bien comprendre les processus, procédures, quels en sont les tenants et les aboutissants est primordial.

Cela permettra de pouvoir transmettre les effets et bénéfices et de convaincre les équipes et les managers du bien fondé du choix de méthodologie ou processus. 

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4.3) Les sponsors soutiennent-ils activement nos projets ?

Le constat est là, la plupart des sponsors de projet ne comprennent pas assez le rôle pour le succès du projet. 

Ils remettent entre les mains de l’équipe projet le projet, et que cela suffit au succès. 

Le sponsor doit être, en continu, au courant de l’avancée du projet et en comprendre les problématiques.  

Et si le projet présente une difficulté qui ne peut être résolu au niveau de l’équipe, c’est lui qui doit en porter la responsabilité et user de son influence et de son pouvoir pour apporter des solutions. 

Les solutions peuvent être financières, il peut s’agir de besoin en ressources humaines ou matériel ou encore de partenariat. 

4.4) Les équipes sont-elles formées et engagées ?

Une équipe projet qui ne connaît pas les bases de gestion de projet peut mener à beaucoup de problématiques qui auraient pu être prévenues avec des connaissances en gestion de projet : 

  • Prise en compte de demande client sans passer par un processus de changement ou prévenir le chef de projet. Cela mène à des retards dans la livraison du projet, mais aussi à des dépenses supplémentaires.
  • Ne pas communiquer ou mettre à jour les bons éléments sur la progression des activités, apporte un manque de transparence, des attentes d’autres membres de l’équipe et de la frustration 
  • Une non-compréhension du budget, et de la nécessité de reporter tout temps passé ou dépense supplémentaire sur une activité, provoque des dépassements de budget rapidement et non expliqués.

Un autre aspect est le manque de participation ou d’engagement. Ne pas comprendre les processus apporte de la frustration comme évoqué dans ces points, mais aussi du désengagement. 

Développer l’autonomie et la créativité des équipes est un levier essentiel de réussite. est vraiment importante pour la réussite du projet. 

Il faut aussi veiller à ce que tout le monde comprenne la raison du projet, dans quel contexte il intervient et à quels objectifs il répond. 

Une équipe qui ne sait pas pourquoi certaines activités sont conduites est un signe de manque de maturité en gestion de projet. 

4.5) Suivons-nous régulièrement l’adoption et les résultats ?

Mettre en place une nouvelle méthodologie, des actions, est important et nécessaire. Cela entre dans le cadre de l’amélioration continue.

Mais sans suivi, ils risquent de ne pas être maintenus. 

Pour tout changement, il y a une résistance et l’on a tendance à revenir à l’état initial plus confortable même si ce n’est pas le meilleur. 

Combien d’initiatives dans l’entreprise, n’ont pas abouti ?

Si on analyse de plus prêt, il s’agit souvent d’actions qu’on n'a pas accompagnées, maintenues. 

C’est aussi là un indicateur puissant. 

Le renforcement de la maturité en gestion de projet par des actions ciblées et des succès visibles

L’évolution vers une meilleure maturité en gestion de projet demande de choisir avec discernement les premières initiatives. 

Les organisations obtiennent rarement des résultats durables en lançant un programme global et uniforme. 

Il s’agit plutôt de cibler des actions limitées, mais stratégiques : 

1) Cibler les actions à fort impact

Les effets waouh, qui vont obtenir des résultats rapides, ceux qui sont indispensables dont on ne peut pas se passer, doivent faire partie des premières actions à mettre en place. 

En effet, l’entreprise, la direction a envie d’un résultat rapide doit confirmer que le choix de la personne, du prestataire ou de l’agence est le bon.

Toujours prendre en compte le ROI et mettre en avant la valeur apportée. 

Le sponsor a des comptes à rendre et veut rapidement apaiser tous les détracteurs.

Suivant ce qui est observé, les objectifs et problématiques, il est facile dès 15 jours d’avoir un diagnostic et de prioriser. 

En ayant cela en tête, établir un planning d’implémentation de différents processus de manière progressive est indispensable. 

2) Gagner la légitimité à travers un premier succès visible

Un chef de projet venait d’avoir un portefeuille pour une nouvelle application à gérer.

Il devait le faire en collaboration avec le chef du département associé. 

Avant son arrivée, le chef de département a vraiment été très négatif à son propos dans des réunions avec le board. 

Le client n’était, quant à lui, pas du tout content de comment l’entreprise gérait les projets, et doutait du savoir-faire de l’équipe.

Il a même envoyé quelques jours avant la prise de poste un email très négatif. 

Lors de sa phase d’observation, le chef de projet a relevé qu’il n’y avait aucun cadre pour le suivi des actions, que le périmètre était ambigu et que le budget alloué était en deçà. 

Pour remédier à cela, il a proposé un nouveau kick-off avec une roadmap claire. 

Il a d’abord travaillé avec les équipes et les commerciaux, puis il a consulté le chef de département et finalement présenté cela au client. 

Après ce kick off, les équipes étaient alignées, le client soulagé et le chef de département a été convaincu de la compétence du chef de projet.

Ce qui lui laisse l’autonomie de continuer à proposer les processus nécessaires, comme entre autres, un suivi des actions adapté et la mise en place d’une véritable gestion de risque et de budget. 

Le kick off a produit cet effet waouh et débloqué la suite. 

La présentation et la conviction des sponsors pour apporter légitimité et autorité

Dans l’exemple juste avant, j’expliquai que le kick a été présenté au chef de département. Ce dernier joue le rôle de sponsor ici. 

Les sponsors ou la direction, sont ceux qui ont permis l’allocation de budget et qui sont garants de la réussite du projet. 

Ce sont les premiers à convaincre, mais aussi à rassurer. 

En effet, s’ils ne sont pas convaincus, cela ne donnera pas assez de légitimité. 

Identifier les personnes influentes de l’entreprise et prendre leur avis en compte, c’est vraiment ce qui va assurer le succès et donner l’autorité. 

Un plan d’implémentation et une roadmap claire sont à privilégier. 

Voici un tableau avec les profils des sponsors et les moments clés pour les impliquer, nous assurant d’un succès de projet :

Profil du sponsor

Rôle dans le projet

Quand l'impliquer

Comment le mobiliser

Client externe

Ses besoins doivent être les plus clairs pour y répondre au mieux

Dès le kick off et aux étapes de validation

  • Réunions de lancement
  • Points de suivi réguliers
  • Démonstrations intermédiaires

Chef de département

Garant de l’alignement avec la stratégie et qui peut allouer budget et ressources

Lors des arbitrages, il doit être en continu informé pour qu’il puisse au mieux soutenir le projet

Direction générale

Porte la vision et valide les budgets

Dès le business case et lors des réunions de directions en leur présentant les avancées et résultats

  • Présentations synthétiques orientées ROI
  • Mise en place de tableaux de bord clairs
  • Implication dans les décisions clés

PMO / Responsable projet interne

Coordonne les projets et impose le standard

Tout au long du projet, il faut se reposer sur eux pour être optimal

Utilisateurs clés

Sans eux le projet n’a aucune valeur et n’a pas lieu d’être

Quand des fonctions sont développées, avoir régulièrement leur feedback pour s’assurer de la valeur et ajuster en fonction.

  • Ateliers collaboratifs
  • Tests utilisateurs
  • Sessions de co-construction

La formation des équipes, du/ des chefs de projet, de la direction

Cela sera surement différent suivant la cible et le rôle.

Mais, il est important à ce qu’à tous les niveaux de l’entreprise, le bien-fondé de ce qui est mis en place soit compris et assimilé. 

  • Les équipes devront être formées aux basiques en appuyant bien, sur le fait que cela apportera. 
  • Pour les chefs de projet, une formation plus poussée est nécessaire.  Ils pourront ainsi bien utiliser les outils, en être les ambassadeurs et se les approprier pour qu’ils soient plus pertinents à leur projet. 
  • Pour la direction, une présentation de la roadmap, des bénéfices attendus et de l’alignement avec la stratégie – devra être faite.

N’oublions pas que ce sont eux qui débloquent les budgets et comme pour tout projet, il doit répondre à certains critères et apporter de la valeur à l’entreprise.

Le suivi de l’implémentation

Si l’on ne suit pas, après l’implémentation, l’adoption et le maintien des processus, avec les modifications nécessaires, le retour aux anciennes habitudes sera inévitable.  

Le cerveau n’aime pas trop le changement, flight or fight mode. 

Former n’est pas suffisant, s’assurer que c’est maintenu et complètement adapté est indispensable.

Par exemple, si l’un des nouveaux processus a été d’implémenter une réunion quotidienne de 15 minutes, un « daily meeting » pour fluidifier la communication.

Mais cela peut être trop contraignant et les équipes n’ont pas énormément de choses à se dire.

La bonne démarche est d’entendre les feedbacks et d’adapter en venant par exemple à une réunion tous les deux jours. Cela est inspiré de l’agilité et permet une adhésion plus durable dans le temps.

Ces cinq étapes forment un fil conducteur cohérent, de l’évaluation initiale à l’ancrage durable des nouveaux processus dans les pratiques de l’entreprise :

Implémentation et adaptation des nouveaux processus

Les erreurs classiques à éviter 

En arrivant dans une nouvelle organisation, ou en commençant ces projets de maturation. Il y a plusieurs pièges à éviter. 

Se poser en tant qu’expert est important, mais il faut éviter d’être condescendant, de penser avoir la science infuse. 

Voici les erreurs courantes : 

  • Copier le cadre ISO ou Prince 2 sans adapter au contexte.
  • Prendre l’agilité par effet de mode sans sponsor ou sans formation. 
  • Ignorer la culture d’entreprise, le passif, la capacité à absorber le changement. 
  • Ne pas former et sensibiliser toutes les couches de l’entreprise, des équipes opérationnelles à la direction.
  • Vouloir tout imposer d’un coup. 

Je vais utiliser une expression à la mode, savoir-faire, preuve d’agilité : tester, ajuster, et ne pas plaquer.

Déployer de manière progressive avec des quick wins visibles.  Et toujours relier à la valeur. 

Conclusion 

Augmenter la maturité en gestion de projet est un véritable projet à mener avec un planning et des objectifs et KPI à suivre.

Mais au-delà de cela, il s’agit d’une transformation du mindset et donc d’un besoin d’accompagner et de conduire le changement. 

Le faire du jour au lendemain sans préparation et prise en compte de toutes les dynamiques a mené à l’échec beaucoup d'initiatives.

Cela s’applique à n’importe quel cadre, et ce plan peut être suivi pour une meilleure implémentation plus durable. 

Nous nous tournons vers un monde plus hybride, avec des processus adaptés, il faudra alors faire attention à imposer des processus obsolètes ou non adaptés.

Ne mettre en place que certains aura plus de résultats que vouloir tous les imposer et mener le projet à l’échec. 

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Mirvet Mtimet

A propos de l'auteur

Chef de Projet et PMO certifiée PMP®, a une expérience solide en gestion de projet, en tant que manager ensuite responsable de département dans diverses industries telles que les transports, l’informatique, la banque, le luxe ou les télécom. Elle n’hésite pas à faire part de son expérience et de son recul autant pour les professionnels débutants ou expérimentés que les entreprises.
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